Année 2015/2016CoursIntroduction à la Philosophie à l'hôpital 1

Cours du 5 avril 2016 / Cynthia Fleury

Le corps dans la démocratie : performance, vulnérabilité, souci et oubli du corps.
Les nouvelles vulnérabilités et pénibilités
L’allongement de la vie, la vieillesse
https://www.youtube.com/watch?v=OGPHUv6qK2cCe cours porte principalement sur différentes visions portées sur la vieillesse et le corps. La première évoquée est celle de Platon qui se situe dans le prolongement de sa dialectique entre le sensible et l’intelligible, le visible et l’invisible. Cette conception postule qu’il y a d’une part un monde du sensible, de ce que l’on expérimente concrètement, et d’autre part un monde de l’intelligible, des idées : le premier découle du second, et l’objet de la philosophie est de remonter vers la vérité et non pas de stagner dans ce à quoi nous livrent nos sens. C’est en effet le premier point déductible des propos de Socrate : le corps réel et physique empêche de saisir l’immanence des idées, il y a une impossibilité méthodologique. A cela se rajoute une dimension plus seulement neutre mais même négative : « le corps trouble l’âme et ne lui permet pas d’accéder à la vérité », « il nous remplit d’amour, de craintes, de chimères, si bien qu’il nous ôte toute possibilité de pensée » : le corps intoxique l’âme dans sa recherche de vérité. Ces deux entités étant inséparables, il faut s’attacher à leur harmonie, à ce qu’elles se défendent l’une contre l’autre afin de rester en bonne santé : on ne peut se contenter du soin exclusif de l’un au détriment de l’autre.

Cicéron traite de la vieillesse et de l’évolution du corps autrement. Sans faire l’impasse sur les difficultés que cause l’accumulation des années, il les place dans une logique de la vie où premièrement ce changement est normal et, deuxièmement, où il fait naitre d’autres possibilités. On retrouve cette vision dans des témoignages bien actuels où l’impression de « perdre des pièces » de soi-même est accompagnée d’un sentiment de se découvrir autrement ainsi qu’une liberté nouvelle. Cicéron met aussi en avant des contre-arguments face aux discours déclinistes à propos la vieillesse. Par exemple, il pointe que derrière un nombre plus faible d’actions peut se trouver des réalisations plus utiles et plus grandes du fait de l’expérience et de la prudence acquise avec le temps. De même, dans cette conception, la vieillesse ne fait pas office de rebut pour les générations suivantes mais peut au contraire être le lieu de l’éloquence et de la prestance. Ainsi, la vieillesse est ici un changement qu’il faut accompagner par l’étude et le soin du corps afin de tenir à distance la décrépitude, de discerner les faux plaisirs des vrais et d’accéder au temps propre.

 

Cette vision est tout de même limitée en ce qu’elle repose beaucoup sur des cas illustres. Certes, son objectif est de poser des exemples que l’on peut suivre comme un horizon mais il est difficile de ne pas y voir un biais de sélection, c’est-à-dire une non-représentativité des exemples sélectionnés grevant partie de la thèse soutenue. Simone de Beauvoir tranche avec cette conception en ce qu’elle pointe que la vieillesse est souvent une réification, une catégorisation, c’est-à-dire qu’elle est assignée aux individus de l’extérieur par la société et les normes qu’elle charrie. D’ailleurs, la vieillesse ne concerne pas tous les individus de manière homogène, même le facteur économique mis à part. En effet, Simone de Beauvoir s’attache à montrer que l’inégalité entre les femmes et les hommes s’illustre aussi dans leur accès à la vieillesse et le vécu qui en est fait.

Pierre Dubilly
Etudiant en Magistère de relations internationales
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Références bibliographiques :
Platon, Phédon.
Platon, Timée.
Platon, Gorgias.
Cicéron, De la vieillesse (Caton l’Ancien).
Simone de Beauvoir, La vieillesse. Gallimard, 1970