
Concepts clés : Ecosophie, écologie, chaosmose, bifurcation, implosion barbare, déni, racisme, etc.
“L’écosophie sociale consistera donc à développer des pratiques spécifiques tendant à modifier et à réinventer des façons d’être au sein du couple, au sein de la famille, du contexte urbain, du travail, etc. (…) Et cela pas seulement par des interventions « communicationnelles » mais par des mutations existentielles portant sur l’essence de la subjectivité. (…) De son côté, l’écosophie mentale sera amenée à réinventer le rapport du sujet au corps, au fantasme, au temps qui passe, aux « mystères » de la vie et de la mort. (…) Sa façon de faire se rapprochera plus de celle de l’artiste que de celle des professionnels « psy » toujours hantés par un idéal suranné de scientificité. Rien dans ces domaines n’est joué au nom de l’histoire, au nom de déterminismes infrastructuraux ! L’implosion barbare n’est nullement exclue. Et faute d’une telle reprise écosophique (quel que soit le nom qu’on voudra lui donner), faute d’une réarticulation des trois registres fondamentaux de l’écologie, on peut malheureusement présager la montée de tous les périls : ceux du racisme, du fanatisme religieux, des schismes nationalitaires basculant dans des refermetures réactionnaires, ceux de l’exploitation du travail des enfants, de l’oppression des femmes…”
Félix Guattari, Les trois écologies.
Le sixième séminaire sera consacré à l’analyse des multiples crises — écologiques, sociales et mentales — qui agitent aujourd’hui notre monde, et qui nous empêchent de mettre en oeuvre une véritable Poétique glissantienne de la Relation. En partant des Trois écologies et Chaosmose de Guattari il s’agira de comprendre de quelle manière le système capitaliste néo-libéral mondialisé, loin d’accomplir le rêve de créolisation cher à Glissant, produit d’abord et avant tout des agencements machiniques et économiques dont la violence vis-à-vis du système terre n’a d’égale que la souffrante et la misère croissante des sujets et des désirs que ces agencements induisent ; misère qu’il ne faut pas seulement analyser d’un point de vue social, mais bien aussi à un niveau moléculaire, c’est-à-dire à un niveau inconscient. Ce qui est en jeu, avec le désir, et ses ramifications inconscientes, c’est la possibilité même de pouvoir opérer une bifurcations vis-à-vis d’un certain ordre établi, d’une certaine homéostasie ordonnant au désir de se satisfaire selon certaines normes, certaines limites. C’est pourquoi, pour Guattari, ce qu’il nous faut maintenant penser, c’est la possibilité même qu’un certain équilibre soit rompu, et que cette rupture ne débouche pas sur une “implosion barbare”, mais sur un nouvel agencement, sur un nouveau style de subjectivité, sur de nouveaux types de devenirs.
Guattari, Felix. Les trois écologies. Paris, Galilée, 1989.
—. Chaosmose. Paris, Galilé, 1992.
—. Qu’est-ce que l’écosophie ? Paris, Edition Lignes, 2018.
Stiegler, Bernard. Qu’appelle-t-on panser ? Au-delà de l’anthropocène, l’immense régression. Paris, Edition Les liens qui libèrent, 2018.
—. Qu’appelle-t-on panser. La leçon de Greta Thunberg. Paris, Edition Les liens qui libèrent, 2020.