
Concepts clés : Relation, Tout-Monde, Universel concret, Détails, Esthétique, Imagination, Chaos-monde, etc.
“Gilles Deleuze et Félix Guattari ont critiqué les notions de racine et peut être d’enracinement. La racine est unique, c’est une souche qui prend tout sur elle et tue alentour ; ils lui opposent le rhizome qui est une racine démultipliée , étendue en réseaux dans la terre ou dans l’air, sans qu’aucune souche y intervienne en prédateur irrémédiable. La notion de rhizome maintiendrait donc le fait de l’enracinement , mais récuse l’idée d’une racine totalitaire. La pensée du rhizome serait au principe de ce que j’appelle une poétique de la Relation, selon laquelle toute identité s’étend dans un rapport à l’Autre.” (…) “L’esthétique du chaos-monde (qui est donc ce que nous nommions l’esthétique de l’univers, mais désencombrée des valeurs a priori) globalise en nous et pour nous les éléments et les formes d’expression de cette totalité, elle en est l’action et la fluidité, le reflet et l’agent en mouvement. Le baroque est la résultante, non érigée, de ce mouvement. La relation est ce qui en mêne temps la réalise et l’exprime. Elle est le chaos-monde qui (se) relate. La poétique de la relation (qui est donc une part de l’esthétique du chaos-monde) pressent, suppose, inaugure, rassemble, éparpille, continue et transforme la pensée de ces éléments, de ces formes, de ce mouvement.”
Edouard Glissant, Poétique de la relation.
La cinquième séance visera à approfondir la pensée guattaro-deleuzienne du rhizome à partir du développement politique et philosophique que lui donne Glissant et, notamment, à partir des concepts de Relation et de Tout-Monde. Si la notion de créolisation est bien celle qui permet à Glissant d’ouvrir le concept d’identité sur une dehors, cette ouverture est d’abord celle que rend possible la notion de Relation, qui elle-même renvoie à l’idée de Chaos-monde et de Tout-Monde, c’est-à-dire à l’idée d’une mise en présence, plus ou moins violente et conflictuelle, de toutes les parties de la terre, de tous ses voisinages. Par Relation, Glissant entend “la quantité réalisée de toutes les différences, sans qu’on puisse en exempter une seule” (Philosophie de la relation, 42). Car, à ne pas le faire la Relation cesserait immédiatement d’être l’expression du Tout-Monde pour redevenir une forme de l’universel, c’est-à-dire une forme d’abstraction nous autorisant à passer sous silence certains détails du réel ne cadrant pas avec les normes ou les attentes néo-libérales contemporaines. Ce faisant, Glissant nous ouvre des perspectives nouvelles sur ce que pourrait être un universalisme que nous pourrions nommer, avec Barbara Cassin, concret ou dédié ; à savoir un universel visant une élaboration incessante et toujours à recommencer de l’ensemble des relations qui font et défont sans cesse nos identité fragiles, c’est-à-dire l’ensemble des vies concrètes, même si cet ensemble ne pourra jamais, par définition, ni être totalisé (sauf à le projeter dans un avenir utopique) ni, du même coup, être nommé adéquatement.
Glissant, Edouard. Poétique de la relation. Poétique III. Paris, Edition Gallimard, 1990.
—. Introduction à une poétique du divers. Paris, Edition Gallimard, 1996.
—. Traité du Tout-Monde. Poétique IV. Pairs, Edition Gallimard, 1997.
—. La cohée du Lamentin. Poétique V. Pairs, Edition Gallimard, 2005.
—. Philosophie de la relation : Poésie en étendue, 2009.