OPIUM Philosophie X Pistigou
Par delà l’intelligibilité de la matière sonore – verbale/sensée – nous importe la résonance que produit la matière du sens sensible. Barbara Stiegler considère à ce titre le sens comme interprétation : pour cet évènement/création, nous associons « entendre » au sens d’une captation sensible et « comprendre » : “L’activité de compréhension (Verstehen) de l’entendement (Verstand) « est originairement une sensation », dit Nietzsche” (Stiegler : 2021, p.76). Ce présent projet tente de constituer cette sensation à partir de la matière même de la philosophie : les mots, les paroles quand ils sont écrits, quand elles sont prononcées. Les Résonances philosophiques proposent une dérive, une expérience philo-sensible. Présentée sous la forme d’une création sonore performée, les auditeur.ice.s seront mis.e.s à l’épreuve dans le flux d’une création sur le thème “Accident”1. Des fragments de discours hétérogènes, se répondant, parfois se contredisant, appellent et ouvrent à la réflexion, à l’écoute active. Refusant la méthodologie académique de la dissertation, ne suivant pas non plus l’ambition de produire un discours vulgarisé, les entretiens réalisés enregistrés avec des philosophes, enseignant.e.s chercheur.euse.s, artistes qui composent la trame générale, se sont appliqués à définir, si ce n’est à re-questionner, les différentes acceptions de la notion d’Accident. Partant de son sens commun – un événement imprévu et soudain entraînant des dommages-, nous avons voulu explorer dans quelle mesure l’accident peut recouvrer une valeur positive, voire créatrice ? Cette composition à plusieurs voix et sonorités tente de déployer une technique de découverte et d’apprentissage, essayant d’approcher les possibilités et les limites d’une praxis de l’accident, un mouvement au cœur de l’état figé des choses de la structuration sociale actuelle.
Ainsi, pour déjouer l’état de stase créé par les sociétés hypercapitalistes et néolibérales et la mettre en échec, pour l’ouvrir au possible de l’accident, Hartmut Rosa développe une stratégie de résonance, de laquelle participe la résonance musicale. « La résonance est la manière dont le monde habite en nous et dont nous habitons le monde. C’est la manière dont nous existons en relation avec notre environnement, comment nous sommes touchés et comment nous touchons en retour » (Rosa : 2010). La praxis de la résonance se déploie dans l’éprouver – aussi bien au sens de l’épreuve que du ressenti sensible, induisant une pratique de l’écoute comme ouverture du sens – ou plutôt des sens. Avec la création sonore, le recours à un certain genre de musique, ici à l’ambiante et à l’électroacoustique, redistribue les paroles, les ancrent ou les rompent, faisant partie prenante de l’exploration du concept choisi et de son interprétation. La voix et la musicalité s’entremêlent et se contaminent dans un espace scénographié pour disposer le public à la réception de cette création, pour résonner.