
Concepts clés : Vivant, anthropocène, Gaïa, sens-commun, local/global, Terrestre, etc.
“Y a-t-il un langage de la vérité ? Un discours ? Certes non, mais de celui qui la prétend. De même qu’il n’y a pas un langage du vivant. Mais rien n’est vivant qui ne s’exprime cependant. Aussi bien l’expression du vivant lui tient-il lieu de langage, là où l’expression du Vrai peut être son déni ou son silence caché. Mais si nous distinguons le langage et la langue nous voyons qu’il n’y a pas une langue de ce qui pourrait être le Vrai. C’est dire que le langage du Vrai n’exerce et ne s’exerce en aucune langue, là où le vivant ne connait langue ni langage. Car le vivant ne s’exprime en rien, sinon en son propre transport et le Vrai passe de force par celui qui le prétend. Et qui donc confond dans sa prétention le langage et la langue.”
Edouard Glissant, Rien n’est vrai, tout est vivant.
Cette séance conclusive, dont le titre reprendra celui que Glissant donna à la dernière conférence qu’il prononça avant de mourir — “Rien est vrai, tout est vivant” — fera retour, d’abord, sur l’ensemble du parcours accompli, avant de se tourner résolument vers l’avenir. Plus précisément, ce dernier séminaire s’efforcera de thématiser les enjeux politiques, éthiques et psychanalytiques que posent à l’espèce humaine le fait d’avoir brutalement basculée, ces cinquante dernières années, dans une nouvelle ère que les géologues nomment anthropocène ; ère dans laquelle l’influence des êtres humains (où plutôt des occidentaux) sur le système terre est devenue telle que les conditions mêmes de leur survie n’y sont pus assurées. En suivant, pour ce faire, les méditations de Bruno Latour et d’Isabelle Stengers (qui eux-mêmes s’inspirent largement des pensées de Deleuze, Guattari et Glissant), il s’agira de remonter aux sources inconscientes de notre incapacité actuelle à faire face aux multiples défis que nous sont lancés, — autrement dit à tenter de comprendre l’attitude de déni, voir de démenti, dans laquelle les démocraties libérales sont tombées — et de proposer, en retour, une série de pistes créatives à partir desquelles il redeviendrait possible d’imaginer autrement l’avenir, c’est-à-dire de ne pas continuer à faire “comme si” nous ne savions pas, sans pour autant céder ni à la panique ni au désespoir.
Latour, Bruno. Où atterrir ? Comment s’orienter en politique ? Paris, Edition La découverte, 2017.
—. Où suis-je ? Leçons du confinement à l’usage des terrestres. Paris, La découverte, 2021.
Latour Bruno & Nikolaj Schultz. Mémo pour la nouvelle classe écologique. Comment faire émerger une classe écologique consciente et fière d’elle-même. Paris, Les empêcheurs de tourner en rond, 2022.
Glissant, Edouard. Rien n’est vrai, tout est vivant.
Stengers, Isabelle. Penser avec Whitehead. Une libre et sauvage création de concepts. Paris, Edition du Seuil, “L’ordre philosophique”, 2002.
—. Cosmopolitique. Paris, Les empêcheurs de tourner en rond, 2022.