L’humanité dépend pour sa survie d’une organisation sociale et d’infrastructures qui ne pourront être indéfiniment maintenues. Nous héritons contre notre gré de communs «négatifs», à l’image des fleuves et sols contaminés, des industries polluantes, des chaînes logistiques ou encore des technologies numériques. Que faire de ce lourd héritage dont dépendent à court terme des milliards de personnes, alors qu’il les condamne à moyen terme? Quelle stratégie conduire pour aligner nos activités individuelles et collectives sur les limites planétaires et la disponibilité locale et viable de ressources matérielles ? Entre l’arrêt de tout et l’intenable business as usual, existe-t-il une ligne de crête qui permettrait la survie de l’espèce dans des conditions justes et démocratiques ?
Pour en débattre, Sylvia Fredriksson animera la discussion avec Alexandre Monnin, philosophe, professeur, directeur du Master of Science “Strategy & Design for the Anthropocene” à Lyon et de la Recherche d’Origens Media Lab, et co-auteur de l’ouvrage Héritage et fermeture. Une écologie du démantèlement aux Editions divergences, et Patrick Bouchain, architecte à l’origine du projet Manifeste de La Preuve par 7.
Technosphère. Du hors-sol vers une échelle plus cohérente, par Diego Landivar, co-auteur avec Alexandre Monnin et Emmanuel Bonnet de l’ouvrage Héritage et fermeture.
Une écologie du démantèlement aux Editions divergences, 2021
Ce qui relie nos deux invités tient certainement à une exigence de discernement, au fondement même de leurs cadres d’activités et de pratiques. Discernement quant aux situations, à l’égard des celles et ceux qui les vivent, les éprouvent, les administrent. Discernement quant aux héritages matériels et immatériels qui peuplent et composent notre cadre de vie commun, et que les approches projectives modernes et occidentales échouent à considérer et à prendre en charge.
Les propositions de Patrick Bouchain, au travers la revendication d’un droit à l’expérimentation par les montages et les usages, et d’Alexandre Monnin d’autre part, au travers le concept de redirection écologique, ont de commun qu’elles cherchent à démentir, par le refus de la surcompétence au profit d’une pleine compréhension des situations, les processus linéaires, emprunts d’irréversibilité, issus de la culture du projet et de l’innovation.
Prenant pour préalable cet état de discernement, ces démarches nous enjoignent alors, face aux défis immenses de l’anthropocène, à prendre au sérieux l’acte de renoncement, comme question philosophique à débattre collectivement et comme l’une des composantes d’un apprentissage encore à faire.
C’est à cette tâche que se consacrera ce 3ème séminaire du Laboratoire des délaissés, sous l’égide de la Chaire de Philosophie à l’Hôpital et de la Preuve par 7. Nous chercherons alors à comprendre les différentes dimensions que sous-tend l’idée de renoncement en tant qu’outil politique, comment cette notion se traduit à l’épreuve du terrain, et les questions pour lesquelles elle nous demande de nous mettre à l’ouvrage.
Ces échanges seront une nouvelle fois l’occasion de se rassembler, mais surtout de rassembler les écoles de pensée pour formuler et porter collectivement les chantiers à venir.
Nous vous encourageons à venir en présentiel pour échanger avec les intervenants.