Hikikomori désigne en japonais une forme de retrait social extrême, principalement de garçons de 15 à 35 ans, avec un pic de prévalence à la vingtaine. L’ampleur du phénomène (entre 200 000 et 700 000 cas au Japon) a fait réagir les pouvoirs publics (sociaux, médicaux, mais aussi l’opinion). Depuis 20 ans, des analyses l’ont étudié, en anthropologie, en sociologie, en psychiatrie, mais aussi en psychanalyse et enfin dans les arts (littérature, cinéma, manga). Que nous apprend une lecture développementale de ce que le psychiatre Tamaki Saito a appelé une « adolescence sans fin » ? S’agit-il d’une révolte contre « l’enfer du regard » (Mita Munesuke) urbain d’une génération refusant les exigences socio-culturelles de la vie adulte japonaise de leurs aînés, et notamment son rapport au travail, qui on le sait peut aller jusqu’au « suicide au travail » (Junko Kitanaka) ? La réclusion de ces « techno-ermites » de fauteuil est-elle un refus, une démission, une révolte, tout cela à la fois ? Un réinvestissement du désir, ailleurs ? Dans une chambre « électrique », un terrier hautement technologique, « à la Kafka », 2.0 ? Raphaël Ezratty est psychiatre, pédopsychiatre & doctorant (École Doctorale de Santé Publique, Université Paris Saclay, direction de thèse : Bruno Falissard).
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