Ce cycle a cherché à mobiliser les ressources historiques et conceptuelles de la philosophie pour interroger à nouveaux frais la notion de « santé mentale » et interroger sa teneur proprement conceptuelle pour, ce faisant, en mesurer toute la portée philosophique, y compris là même où le mot est absent. Car, si les travaux de Canguilhem, de Foucault, et des psychiatres phénoménologues semblent bien soulever des questions spécifiquement cliniques, pathologiques et psychiques, il n’en va pas de même, à première vue, chez la plupart des philosophes (de Platon à Kant en passant par Epictète ou Cicéron). Nous avons cherché en quoi les philosophes de la tradition, bien que précédant la révolution freudienne, peuvent fournir des outils susceptibles de venir nourrir la psychiatrie contemporaine. Nous avons sondé les raisons pour lesquelles la « santé mentale » n’avait pas chez ces penseurs la forme que nous lui connaissons.
Ainsi, les intervenants ont été invités à pratiquer un « anachronisme contrôlé » (N. Loraux), dans le but non pas de réduire les distances historiques, mais de faire de celles-ci autant d’atouts pour relire les philosophies du passé et offrir de nouveaux éclairages sur notre présent.
Chronologique, le séminaire explore d’abord l’approche antique chez les socratiques et post-socratiques sur l’âme et sa tranquillité ou son équilibre. Comment gérer la folie, le vice, la maladie de l’âme ? Comment intégrer et réguler ces déséquilibres ? Quels enseignements philosophiques retrouve-t-on aujourd’hui dans les psychothérapies contemporaines ? En étudiant avec des spécialistes Platon, Cicéron, Plotin, la première partie du séminaire s’interroge sur la philosophie comme médecine de l’âme.
Une seconde partie questionne la santé mentale dans son rapport avec la société (Kant, Nietzsche, Freud, Canguilhem, Foucault). Comment la « santé mentale » se définit-elle ? Comment passe-t-on des « déséquilibres de l’âme » aux psychopathologies et à la maladie mentale ? Comment une société gère-t-elle ces déviances psychiques ? Ce temps du séminaire pose les bases d’une transformation dans l’approche des « dispositions » mentales, qui deviennent progressivement une problématique sociale à réguler.
Enfin, une troisième partie s’attache à réintroduire la philosophie dans les approches psy-contemporaines, axée sur des réflexions du XXe siècle, en développant la phénoménologie psychiatrique, « nouvelle philosophie de la psychiatrie » qui cherche à saisir, dans tout type de folie, un certain rapport au monde (Kant, Bergson, Binswanger, Hartmunt, Maldiney, Merleau-Ponty, Hartmunt, Minkowski). Cette approche doit venir donner en psychiatrie des éléments de compréhension lorsque des explications viennent à manquer. La phénoménologie, cette compréhension philosophique du vécu, permet ainsi une redirection de l’approche de la maladie mentale palliant les zones d’ombres de la recherche clinique.
|