Une étude qui réconcilie deux termes a priori antithétiques ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­
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ZOOM SUR
la beauté du vulnérable
Une approche historiographique, iconographique et philosophique

Commencée il y a plus d’un an à l’initiative de Cynthia Fleury, cette étude ouvre progressivement ses résultats de recherches au public avec un premier séminaire qui s’est tenu au GHU Paris Psychiatrie & Neurosciences le 20 janvier dernier. L’étude est encore en cours de rédaction. Elle mobilise l’ensemble des recherches de la Chaire de Philosophie à l’Hôpital autour de la vulnérabilité et du capacitaire et s’ouvre vers un domaine jusqu’ici moins abordé cependant : celui de l’esthétique.

Beauté et vulnérabilité sont deux termes a priori antithétiques. La vulnérabilité, du latin vulnus, la « blessure », renvoie à la potentialité d’être blessé. Or la blessure est rarement perçue comme « belle » (la cicatrice peut l’être, mais elle est trace d’une blessure passée et guérie). Au stade de la blessure, le qualificatif « beau » est rarement employé. Dans le langage courant, on dira même en voyant une plaie qu’elle est « vilaine », ou que cela n’est « pas beau ».

Cette étude cherche au contraire à réconcilier le beau, dans son acception classique en philosophie, avec le vulnérable en ce que ce dernier représente une mise en péril de l’intégrité de l’individu. Car cette puissance d’être blessé vient réagir sur la définition qu’on peut donner à un être humain et à son unité. La blessure se fait point de contact avec ce qui entoure l’être vulnérable : elle est ouverture (potentielle ou actualisée). Dans cette ouverture, peut-on trouver la beauté ?

PRÉSENTATION DE L'ÉTUDE SUR LA BEAUTÉ DU VULNÉRABLE
 

Le séminaire de présentation de l'étude donné par Frédéric Baitinger et Milan Garcin le 20 janvier est disponible en replay sur le site de la Chaire, au format vidéo et podcast.

Rien n’est beau. L’homme seul est beau. C’est sur cette naïveté que repose toute esthétique, c’en est la vérité première. Et ajoutons y la seconde : rien n’est laid si ce n’est l’homme qui dégénère, — cela circonscrit le champ du jugement esthétique.

 
Nietzsche, Le crépuscule des idoles, « Divagations d’un inactuel », 20.

L’étude a avant tout consisté en une typologie de la production artistique – de la peinture aux objets de design, de l’Antiquité à nos jours, et couvrant plusieurs continents. Un état de l’art au sens strict, recensant non pas tout ce qui a été écrit sur le sujet mais bien tout ce qui a été artistiquement produit, et augmenté lorsque le besoin se fait sentir d’une explication des concepts essentiels pour nous apprendre à voir et comprendre ces œuvres.

Cette typologie a produit des archétypes caractérisant l’usage, la représentation et la compensation de la vulnérabilité, et la signification de ces derniers lors d’une lecture esthétique. L’étude formule également une série de propositions théoriques pour caractériser ces archétypes, et revient sur l’historiographie de la vulnérabilité.

Si une époque se définit par ce qu’elle dit et ce qu’elle voit (Foucault), alors qu’est-ce que chaque époque a dit et a vu de la vulnérabilité ? L’ont-elles traitée de façon louable, voire positive ? Ou au contraire ont-elle abordé la vulnérabilité de façon négative ou néfaste ? Quels types de vulnérabilités sont glorifiés et affichés ? Quels autres sont à l’inverse honnis et dissimulés ? Ce sont-là certaines des questions auxquelles cette étude se propose de répondre.

Elle part du paradigme antique, dans lequel la Beauté est un concept impliquant une certaine idée de l’Être, voire du Bien. La Beauté n’y est ni liée à des qualités sensibles (c’est plaisant), ni à sa valeur d’usage (c’est utile) mais renvoie à une qualité supra-sensible. Or si la beauté est suprasensible, si elle est transcendante, qu’advient-il lorsque le support du beau est soumis à des aléas, des accidents ? Lorsque l’on porte atteinte à la beauté, cela entraîne-t-il le rejet ? Devient-on abject ? La vulnérabilité nous fait-elle pencher du côté de la laideur ? On peut ici penser à une cicatrice, une brûlure, une maladie de la peau, qui tout en signalant notre vulnérabilité corporelle nous fait entrer, selon certains critères esthétiques, dans la laideur. Blessure, vulnérabilité et laideur sont ainsi tenues à distance des productions artistiques qui cherchent elles à valoriser le Beau.

Selon les époques, le beau s’oppose au laid, ou au plaisir. Parfois s’opère une distinction entre le beau et le sublime (qui ne cède pas au désir et surpasse la souffrance). Le beau ne s’inscrit pas dans la chair meurtrie. Dans l’art chrétien, stigmates et tortures sont avoués, représentés, mais moins sanglants qu’ils pourraient l’être. Pensons ici aux représentations de Sainte Agathe, la martyre aux seins arrachés, et dont les représentations picturales donnent rarement à voir sa poitrine meurtrie : soit elle est représentée au moment du supplice avec tout au plus quelques gouttes de sang, soit elle se couvre le torse d’un linge, soit elle est habillée, tenant ses seins sur un plateau. La blessure est tenue à distance. C’est une période où, lorsque la vulnérabilité ou la souffrance se trouvent au cœur d'une œuvre, elles ne sont pas là pour représenter le beau : elles sont là pour provoquer la crainte chez celui qui regarde, tout au mieux les trouve-t-on sublimes.

Plus tard, l’art moderne replace au centre tout ce qui avait été exclu comme « déchet », tout ce qui a été rejeté du reste de l’histoire pour rendre beau le laid et/ou le vulnérable. Il reprend le vulnérable délaissé perçu comme « déficitaire » pour en faire le centre de l’attention sans le sublimer. Aujourd'hui, une réhabilitation de toute une partie de ce qui était tombé dans le champ du laid et du déficitaire est opéré dans l’art pour le revaloriser et transformer l’approche qui en a été donnée.

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Cette étude est menée à la Chaire de Philosophie à l’Hôpital conjointement par Frédéric Baitinger, philosophe, psychanalyste, membre du collectif de Pantin et chercheur associé à la Chaire de Philosophie à l’Hôpital, et Milan Garcin, docteur en histoire de l’art de l’Université Paris-Nanterre et de l’École du Louvre et commissaire de plusieurs expositions, s’intéressant à l’imaginaire collectif, à la mythologie et aux approches transchronologiques de l’art (« Pierre et Gilles : La Fabrique des idoles », Paris, Musée de la Musique-Philharmonie de Paris, 2019 ; « Ulysse. Voyage dans une Méditerranée de légendes », Draguignan, HDE Var, 2021 ; « Metal : diabolus in musica », Paris, Musée de la Musique-Philharmonie de Paris, 2024).

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