Présentation de l’étude sur la beauté du vulnérable par :
Frédéric Baitinger, psychanalyste, docteur en philosophie, chercheur associé à la Chaire de philosophie à l’Hôpital, GHU Neurosciences et Psychiatrie, Paris
Milan Garcin, docteur en histoire de l’art de l’Université Paris-Nanterre et de l’Ecole du Louvre (dir. Thierry Dufrêne, 2021). Il est par ailleurs commissaire de plusieurs expositions, s’intéressant à l’imaginaire collectif, à la mythologie et aux approches transchronologiques de l’art (« Pierre et Gilles : La Fabrique des idoles », Paris, Musée de la Musique-Philharmonie de Paris, 2019 ; « Ulysse. Voyage dans une Méditerranée de légendes », Draguignan, HDE Var, 2021 ; « Metal : diabolus in musica », Paris, Musée de la Musique-Philharmonie de Paris, 2024).
Beauté et vulnérabilité sont deux termes a priori antithétiques. Cette étude cherche au contraire à réconcilier le beau, dans son acception classique en philosophie, avec le vulnérable en ce que ce dernier représente une mise en péril de l’intégrité de l’individu.
Envisager la beauté du vulnérable sous l’angle de la philosophie classique mais aussi sous celui de la philosophie des sciences, c’est envisager la beauté appliquée au corps, où la beauté devient facteur de définition ontologique de l’individu. Elle peut également s’appliquer à l’objet inerte, l’objet-œuvre dans son état de puissance (l’objet en tant que tel est-il dissociable de sa nature esthétique ? Le questionnement sur sa vulnérabilité permet-il d’y voir plus clair dans la séparation objet-œuvre ?) tout comme elle peut s’appliquer à son usage (ustensilité). On distingue ainsi les objets-œuvres vulnérables per se – par exemple, des fragments – des objets destinés à compenser une vulnérabilité – par exemple, des prothèses, eux-mêmes distinguables d’objets-œuvres ayant perdu leur statut d’œuvre ou en passe de le perdre – par exemple, les décors de théâtre, éphémères. Elle peut s’appliquer enfin à la question du temps : la vulnérabilité consiste alors en un délitement temporel de l’objet. Cela se traduit, par exemple, par une esthétisation de la ruine, d’une réflexion sur ce que la ruine induit du point de vue symbolique, sur ce qu’il dit de la nature même du travail artistique, sur l’état de l’œuvre et sa préservation, etc.
L’étude a avant tout consisté en une typologie de la production artistique – de la peinture aux objets de design, de l’Antiquité à nos jours, et couvrant plusieurs continents. Cette typologie a produit des archétypes caractérisant l’usage, la représentation et la compensation de la vulnérabilité, et la signification de ces derniers lors d’une lecture esthétique. L’étude formule également une série de propositions théoriques pour caractériser ces archétypes, et revient sur l’historiographie de la vulnérabilité.