Entre l’annonce parfois difficile, les traitements et modifications du quotidien, la maladie peut changer le rapport de chacun aux autres et à lui-même. Pour les personnes qui sont atteintes de maladies chroniques, l’effraction de la maladie (brutale ou silencieuse, accompagnée ou non de jugement social, etc.), annonce un nouvel horizon qui n’est pas celui de la guérison, mais celui de « la viabilité d’une vie, dans la conscience de sa fragilité » (Lhuilier & Waser, 2016). Il s’agit alors d’un défi pour les malades qui doivent apprendre à vivre avec les contraintes liées à leur pathologie, tout en s’engageant dans les tâches pratiques que nécessitent cette vie quotidienne « modifiée ».
En ce sens, la maladie chronique peut s’assimiler à un « fait total, à la fois corporel et psychique » (Le Blanc, 2006, 2007), qui induit des remaniements identitaires complexes, et qui peut conduire à des situations d’isolement et de souffrance qui affectent l’identité.
Pour approcher cette réalité, un séminaire a donc été mené pendant un an à la Chaire sur le sujet de l’expérience de la maladie chronique (des personnes malades comme de leurs proches, ou de leurs soignants). L’enjeu de ce séminaire était de proposer à la fois un cadre théorique mais aussi un temps d’échange collectif et sécurisant pour discuter de ces enjeux et de ces bouleversements qui animent aujourd’hui les patients. Dans sa forme, il s’inspirait d’une formule bien connue à la Chaire : celle des séminaires - ateliers d’écriture. S’inscrivant dans le courant des éthiques narratives, il se divisait en un temps théorique et un temps de partage autour de textes écrits en amont de la séance par les participants. L’objectif était ainsi de (re)créer du lien entre les participants pour briser la solitude et de mobiliser les fonctions psychiques de la narration et de l’art pour soutenir les recompositions identitaires par le partage d’expérience, tout donnant à voir la profondeur des connaissances que les malades et leurs proches acquièrent de leur(s) maladie(s).
Animées par Valérie Gateau (philosophe et méthodologiste en recherche qualitative, chercheure associée à la Chaire de philosophie à l’hôpital), Déborah Gasnot (chargée de mission) et André Le Tutour (patient partenaire, actuel vice-président de la fédération nationale des malades et transplantés hépatiques TRANSHEPATE, qu’il a présidée de 201O à 2019, et vice-président de la Maison des Usagers et des Associations au Centre Hospitalier de Bretagne Atlantique), les séances étaient également dessinées par l’artiste Jacopo Mandich, afin d’enrichir la narration écrite d’une narration imagée. |