La Chaire de philosophie à l’hôpital dresse le bilan de son nouveau séminaire. ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­ ͏ ‌     ­
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ZOOM SUR
Gestes de la révolte

Après la fin de certains séminaires iconiques (comme le séminaire Lire les grands textes ou encore Design with care), la Chaire renouvelle son catalogue d’enseignements. Cette année 2024-2025 marque la fin de la première année du séminaire Gestes de la révolte, qui se poursuivra à partir de janvier 2026 et jusqu’en 2027. Forts des conclusions de ce premier compagnonnage avec les intervenants invités cette année, nous avons décidé de vous présenter ce séminaire qui fait en réalité écho à beaucoup des lignes directrices de nos recherches.

Objectifs du séminaire

Le séminaire « Les gestes de la révolte » est coordonné par Margaux Goldminc (Mérand), psychanalyste et docteure en philosophie et psychopathologie, ainsi que Benjamin Lévy, psychanalyste, docteur en psychopathologie et psychanalyse. L’enjeu de ce séminaire est de présenter la révolte dans ses aspects à la fois cliniques et politiques, c’est-à-dire d’observer comment, révolté face au monde, le sujet peut se révolter contre soi, et vice-versa. La séance introductive du séminaire pose ainsi l’hypothèse d’une « philosophie clinique de la révolte », qui embrasserait l’ensemble des dualités rencontrées dans les mouvements de révoltes expérimentés par tout un chacun, allant des situations les plus mineures (tirer la langue) aux psychopathologies les plus physiquement expressives (anorexie, boulimie, retrait social). Entre désir et aversion, empathie et admiration, volonté d’être vu et désir d’échapper au regard, soutien ou défection, l’enjeu ici est donc non seulement d’arriver à embrasser la révolte dans toutes ses dynamiques et ambivalences, mais aussi de prendre conscience de la façon dont cette dernière (à l’échelle du sujet) peut influencer la clinique elle-même (à l’échelle de l’institution).

Une recherche philosophique par le cas clinique

La révolte s’oppose à une autorité qui ne lui convient pas, le plus souvent extérieure : c’est par exemple aller sciemment à l’encontre des critères de beauté, refuser de sortir, ou encore s’opposer frontalement à sa hiérarchie ou ses gouvernants. Elle se veut ainsi être une autorité par elle-même. Une autre autorité. Si, pour le sujet, cela peut avoir des incidences psychopathologiques (contrôle de son image ou de son alimentation, retrait social, etc), politiquement, c’est dans cette latitude - ou cette opposition - entre autorité extérieure et autorité de la révolte que jaillissent des considérations éthiques mobilisables pour faire avancer le monde, dans un soulèvement désirant. Les mouvements de révolte individuels et collectifs se conjuguent pour agir face à un monde qui ne nous convient pas - soit à titre personnel, soit à titre collectif. On se rappelle alors l’autre sens de gesticae en latin, qui désigne tout à la fois le mouvement et le récit épique (qu’on pense ici aux « chansons de gestes » de l’époque médiévale). La révolte chemine en équilibre entre une vitalité destructrice et une vitalité créative. 

Pour décliner cette analyse, plusieurs exemples ont été pris comme le cas de l’anorexie mentale, présenté par Margaux Goldminc (Mérand). Celle-ci montre comment les jeunes femmes, surtout celles aux parcours académiques exemplaires, manifestent une peur de l’échec et un perfectionnisme tels qu’elles ne supportent pas de ne pas savoir ou de se projeter dans le temps, exigeant des résultats immédiats voire simultanés aux actions qu’elles entreprennent et strictement fidèles à ce qu’elles imaginent, ne leur permettant de fait aucun repos. Un objectif difficilement atteignable mais qui devient approchable dès lors que l’on passe par le corps et le contrôle de son poids, puisque ses variations s'observent quasi-instantanément après l’effort, le jeûne ou l’épisode vomitif. Plutôt que d’opter pour un travail conventionnel, socialisé (avec ses productions, ses réussites, ses efforts, ses échecs, ses interférences extérieures), le sujet anorexique se concentre sur son corps, immédiatement gouvernable. Mais l’objet de ce travail sur soi, entamé pour « enfin réussir » et performer quelque part, ne permet aucune reconnaissance puisque le sujet n'exprime pas sa subjectivité dans l’abstinence alimentaire. Il ne produit aucun objet dont peut se saisir autrui, avec lequel fonder un dialogue, et la reconnaissance qu’il cherche s’évapore, faisant de l’anorexie mentale un travail aliéné au sens de Marx. La séance portant sur le Jeûneur de Kafka étaye ces conclusions : pour le personnage, « le monde » le renvoie à un trop-plein d’incompréhension. Incapable de trouver la reconnaissance sociale qu’il en attend, en se risquant dans le réel, il répond par un désengagement de l’existence dans le jeûne. Ce désengagement demeure une forme d’attente paradoxale… 

Des pistes de réflexions ouvertes

Autre cas étudié : le retrait social poussé jusqu’au hikikomori. L’intervention de Raphaël Ezratty sur ce phénomène ouvre des pistes de réflexion. Sans donner dans l'interprétation développementale d’un individu qui ne terminerait jamais sa crise d’adolescence, le psychiatre n’y voit pas non plus une révolte au sens positif ou romantique du terme. Il n’est pas question ici de cette révolte épique, mais peut-être plutôt d’un idiome de fuite avec des problématiques psycho-sociales, renvoyant à la question des errances pathologiques.

Pr Maurice Corcos, autre invité, est revenu quant à lui sur la question des états limites, gestes violents ou passages à l’acte, en essayant de relier cela à un contexte social et politique pour sortir de l’analyse médiatique du fait divers. Ces gestes inventent leur propre sens à partir des contextes qui les voient naître. Ils appellent une clinique dont la qualité principale doit être la continuité (continuité du lien, continuité du cadre, continuité du sentiment d’existence).

Thème de l'année prochaine : la sublimation

L’an prochain, le séminaire s’articulera autour du concept de sublimation comme capacité à dépasser cette révolte, et à lui donner une issue qui ne soit pas morbide. Dans la dernière séance, les deux responsables du séminaire reviennent sur la sublimation chez Freud, mais aussi sur les théories critiques qui l’ont suivie. Reconnaissant une part de violence et de destructivité pulsionnelle irréductible dans la sublimation (le corps y demeure central et celle-ci ne saurait être éthérée), et à partir de ces apports critiques, Margaux Goldminc et Benjamin Lévy ouvrent vers une possibilité de sublimation de la révolte comme autre façon de l’aborder dans l’aspect clinique mais également politique. Dans le cas de l’anorexie mentale, il s’agit par exemple de regarder l’atteinte d’une nouvelle norme de santé mentale après être passé par la maladie, qui n’est ni la norme « conventionnelle » (sociale), ni un retour à l’état antérieur à la maladie. Créativité, sublimation et/ou désublimation de la révolte, tant à l’échelle du sujet qu’à celle de l’institution (organisations du travail qui permettent ou, au contraire, contrarient les facultés de sublimation des travailleurs), seront ainsi approfondies à partir de la rentrée universitaire 2025-2026.

Le séminaire en replay
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Visuel MM
L’anorexie mentale. Du non-travail au travail aliéné
Par Margaux Goldminc (Mérand), in Gestions hospitalières, n°645, p. 138-141, avril 2025.
Visuel MM
D’où vient l’anorexie mentale ? Une révolte contre le faux soi
Par Margaux Goldminc (Mérand), in Revue hospitalière de France, n°620, p. 58-60, septembre-octobre 2024.
Visuel MM
Organiser le vide pour ne pas l’éprouver ? Une lecture de l’anorexie mentale
Par Margaux Goldminc (Mérand), in Gestions hospitalières, n°624, p. 410-413, août-septembre 2024.
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