Cette chaire participe de la réorganisation du Cnam, et vient renforcer, plus particulièrement, le dispositif de l’EPN 12 Santé solidarité. Elle contribuera au déploiement de l’offre de formation sur les questions sociétales, sanitaires et citoyennes auxquelles sont confrontées la majorité des thématiques ayant trait à la santé. Elle développera des collaborations avec les autres chaires constituant l’EPN Santé solidarité : Gestion des services de santé, Accessibilité, Travail social et intervention sociale, Économie solidaire, et avec les équipes Handicap et Économie de la santé.

Elle a également vocation à étayer l’offre proposée par les autres chaires et à contribuer aux synergies entre les offres de formation, de diplomation et de recherche. Elle met l’accent sur les attentes et les besoins en matière de formation et de recherche, propres au champ des sciences humaines et sociales appliquées aux territoires de la santé et du soin, de la part des personnels soignants, des médecins, des patients et de leurs familles, mais également de tout citoyen conscient de la vulnérabilité commune qui l’unit aux autres individus, des aidants bien sûr, celles-ci conditionnant une reconfiguration des relations soignants/patients, et plus généralement une approche plus innovante de la fonction soignante, des mutations que subit l’hôpital, des attentes concernant son tournant ambulatoire, dans un contexte de raréfaction des moyens et de diktat de la performance qui lui aussi nécessite l’apport d’une réflexion critique et alternative, susceptible de jouer son rôle de lanceur d’alerte.

Dans ce contexte, la chaire Humanités et Santé tente de proposer un nouveau modèle (School of French Care) consolidant la recherche et l’enseignement des humanités dans les formations initiales et continues des soignants et des intervenants médico-sociaux, ainsi que dans les services hospitaliers. Elle est rattachée à la Chaire de Philosophie du GHU-Paris Psychiatrie et Neurosciences. Il s’agit de montrer comment ces nouveaux outils de réflexion critique dans le monde de la santé sont les conditions d’une innovation plus globale concernant les systèmes et organisations de santé, qui rend seule possible l’appropriation sociale de la haute technicité dans le monde du soin, qui est notamment celle des hôpitaux. La déshumanisation et la forte rationalisation des coûts dans les hôpitaux mettant en danger l’efficience du soin, il est important de veiller à poursuivre – ou à initier de façon offensive – des schèmes de lecture théorique rénovant la relation soignant-soigné et illustrant concrètement comment la fonction soignante doit être en partage pour être performante. Tel est l’enjeu d’ailleurs de cette chaire : proposer de nouveaux cadres théoriques pour penser la relation au soin, à la maladie, à la vie ; et aux autres. Ces autres étant successivement ceux qui nous secourent, nous sauvent et nous soutiennent. Et qui peuvent aussi tomber malades. En somme, faire du soin la première matrice d’empowerment. Trois axes d’enseignement et de recherche structurent les enseignements :

  1. L’approche existentielle du soin ou comment le soin est la première matrice de la subjectivation, de l’émancipation d’un sujet.
  2. L’approche institutionnelle du soin ou comment il faut lutter contre la nocivité de nos organisations, et notamment hospitalières.
  3. L’approche politique du soin ou comment l’hôpital est au cœur de la ville résiliente, ou comment santé publique et santé individuelle s’articulent, ou comment le premier test de crédibilité de la citoyenneté reste la santé.

La chaire s’inscrit dans les orientations de recherche déjà existantes au Cnam, notamment celles du LIRSA, et plus spécifiquement les axes 1 (Stratégie, décision et pilotage des organisations), 3 (Prospective, conduite du changement et innovation), 4 (Évolution et analyse critique des outils de management).Elle est également en interaction avec le Centre de recherche sur la formation qui abrite un axe de recherche lié à un dispositif de formation et de diplomation innovant en direction des malades : l’Université des patients. Un groupe de recherche composé de malades chercheurs et de chercheurs en poste au Cnam travaille sur un projet de VAE des malades chroniques depuis 2015 afin de soutenir leurs inscriptions sociales, professionnelles et citoyennes et éviter que la maladie soit assortie d’une disqualification sociale alors qu’elle est de fait l’occasion d’apprentissages, et que les compétences acquises par les malades représentent une contribution à la collectivité. Ces compétences représentent un nouveau champ d’expertise pour le champ de la santé. La maladie chronique est l’occasion de repenser les théories du développement humain, les modalités du vivre ensemble et du partage des espaces sociaux dans la mesure où plus de 15 millions de personnes en France sont affectées par au moins une maladie chronique. La chaire développera en ce sens des partenariats avec les Cnam régionaux, ainsi qu’avec les CHU régionaux.

La chaire Humanités et santé propose des cursus diplômants à destination des acteurs de santé, des soignants et de tout professionnel impliqué dans la santé et le soin. Plus spécifiquement, en référence à la Loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (dont le titre III, § Ier renvoie explicitement à l’innovation en matière de formation des professionnels), la Chaire propose aussi des séminaires en étant à l’écoute des problématiques sensibles venant des terrains en veillant à identifier les no man’s land théoriques, épistémiques dans certaines pathologies ayant besoin d’un adossement théorique solide pour développer des pratiques innovantes dans l’organisation et les thématiques à prendre en compte par exemple dans les parcours de soin qui sont à repenser à la fois au regard des thérapeutiques et au regard des besoins des populations. Á ce titre, la chaire utilise la convention existante entre le Cnam et la faculté de médecine de l’Université Pierre et Marie Curie et ses instituts de recherche pour créer des séminaires et des colloques ad hoc. En effet la loi de modernisation de notre système de santé, le dernier plan cancer, la loi HPST de 2009 illustrent les intentions du système de santé mais laissent ouverte la question des domaines d’application qui doivent pouvoir rendre opérationnelles les recommandations du législateur. Á ce titre, la chaire organise des rencontres interprofessionnelles pour faire connaître les initiatives de terrain et les inscrire dans un paradigme d’échanges sur les expériences en partageant les outils conceptuels et théoriques qui permettent de penser autrement la figure théorique du malade contemporain.

En résonance avec la Loi n°2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, la chaire cherchera enfin à repérer les nouvelles formes de fragilités et de dépendances, à définir l’autonomie de la vulnérabilité, les besoins des personnes âgées, comme les solutions innovantes pour leur permettre l’exercice de leurs capacitations dans la société et l’économie. Défendre la présence des humanités au sein de la santé, comme au sein de la démocratie n’est pas simplement un geste théorique mais ce qui préserve la durabilité des systèmes sanitaires et démocratiques. La citoyenneté est inséparable d’une capacité d’imaginer avec empathie les difficultés d’autrui (Nussbaum, 2010), et forme le socle indispensable à la stabilisation des institutions démocratiques. La chaire à la fois dans ses enseignements, ses séminaires, ses offres de formation, ses dialogues avec le public développe des voies d’accès aux savoirs et aux connaissances privilégiant des méthodes pédagogiques issues des théories les plus actualisées dans le champ de la formation des adultes (médecins, personnels soignants, patients experts, aidants) appréhendé à la fois comme un champ de pratiques et un champ de recherche.