Coordonné par Frédéric Baitinger
Au GHU Paris – psychiatrie et neurosciences

La créolisation exige que les éléments hétérogènes mis en relation “s’intervalorisent”, c’est-à-dire qu’il n’y ait pas de dégradation ou de diminution de l’être, soit de l’intérieur, soit de l’extérieur, dans ce contact et dans ce mélange. Et pourquoi la créolisation et pas le métissage ? Parce que la créolisation est imprévisible alors que l’on pourrait calculer les effets d’un métissage. On peut calculer les effets d’un métissage de plantes par boutures ou d’animaux par croisements, on peut calculer que des pois rouges et des pois blancs mélangés par greffe vous donneront à telle génération ceci, à telle génération cela. Mais la créolisation, c’est le métissage avec une valeur ajoutée qui est l’imprévisibilité.

A l’heure où les débats font rage dans les milieux psy autour de “la” question transe, et de la soi-disant montée en puissance, en France, des études critiques (sur le genre, la race, le handicap, etc.), ce séminaire se donnera pour tâche de “créoliser l’inconscient”, à savoir de repenser l’inconscient à partir de ce que nous en disent ces études critiques. Car comment pourrions-nous défendre aujourd’hui encore l’idée selon laquelle les subjectivités contemporaines n’appartiendraient qu’à une seule culture, qu’à une seule langue, qu’à un seul territoire ? Alors même qu’il est devenu évident qu’elles sont toutes faites d’éléments hétérogènes que ni le complexe d’Oedipe, ni l’ordre symbolique du premier Lacan ne peuvent prétendre ramener à une forme quelconque d’unité, ni moins encore à de quelconque normes.

Admettons-le donc une bonne fois pour toute : nous vivons à l’époque des subjectivités nomades, toutes entières traversées par des dispositifs sémiotiques et machiniques (algorithmes, réseaux sociaux, etc.) qui sans cesse les pistent, les contrôlent, les interpellent, les prennent à parti, les humilient, les réduisent à des séries de chiffres… Époque de désorientation, de confusion, d’hybridation, de créolisation… qui ne correspond plus à l’époque victorienne de Freud, ni non plus aux trente glorieuses de Lacan, mais qui en revanche correspond pleinement à celle qu’avaient pressentie Guattari et Gilles Deleuze dans L’anti-Oedipe (1972) et dans Milles Plateaux (1980), et qui correspond plus encore à celle qu’a parfaitement décrite et problématisée Glissant dans ses oeuvres théoriques, poétiques et littéraires.

NB : Ce séminaire sera accompagné, à partir de mars 2023, d’une mini série de cours sur les grands textes de la schyzo-analyse dont le programme sera publié sur le site de la chaire à la rentrée.