“La parole au cœur du travail : une place pour la narration et la pensée” est un séminaire / atelier d’écriture à destination des travailleurs du monde hospitalier.
Il est animé par Jérôme Bouvy, philosophe hospitalier et animateur au Grand Hôpital de Charleroi.
Les questions de sens résonnent dans les couloirs de l’hôpital. De nombreux travailleurs se disent épuisés alors que le contexte socio-politique offre peu de perspectives et confine parfois au pessimisme. Face aux difficultés entendues sur le terrain et afin de retrouver du souffle, le GHdC, en partenariat avec la Chaire de Philosophie à l’Hôpital, ouvre un atelier d’écriture à destination de son personnel et de tous les acteurs liés à la santé qui le souhaitent. Inspiré de la « clinique philosophique du burnout des soignants » que la philosophe et chercheuse Valérie Gateau a animé durant trois ans en France, cet espace d’échange s’inscrit dans l’esprit des éthiques narratives. Son objectif est de sortir les travailleurs de leur isolement, en tissant les vécus par l’écriture et le dialogue, tout en offrant des éclairages théoriques par la philosophie et les sciences humaines.
L’intérêt de la narration n’est pas purement esthétique. Il relève d’enjeux psychologiques, dans les processus de subjectivation au travail, éthiques, dans le questionnement des valeurs, et politiques, dans la formulation d’une histoire et d’objectifs communs. Comme le rappelle Valérie Gateau, « c’est dans le récit partagé collectivement [que] se construit une condition partagée, qui transforme la souffrance et qui lui donne du sens »[1]. Les espaces et les temps qui permettent habituellement de tisser ce récit commun sont aujourd’hui maltraités par les exigences des nouvelles organisations du travail. Dans le secteur de la santé, cette érosion du collectif passe par la survalorisation des soins, de ce qui se compte et se mesure, au détriment du « prendre soin » et isole les travailleurs.
Cet atelier se présente comme un espace d’expérimentation philosophique. Il s’agit d’y pratiquer une philosophie clinicienne, c’est-à-dire « pas simplement applicative, au sens où elle viendrait appliquer des théories pensées ailleurs. Mais clinicienne, là où elle s’articule effectivement avec la pensée des parties prenantes. Faire de la philosophie, pas simplement la penser »[2].
Pour expérimenter cette philosophie pratique, vivante et collective, l’atelier se décompose en deux temps. Le premier consiste en un éclairage théorique par la philosophie et les sciences humaines. Il est alors une occasion de redonner du sens par l’exercice de la lucidité. Les savoirs partagés ne sont jamais imposés mais toujours proposé à la réflexion, comme du grain à moudre pour une pensée en mouvement. Ce premier moment est suivi d’un temps de lecture et d’échange autour des textes rédigés par les participants. La rencontre dure 1h30 et a lieu en visio-conférence, tous les derniers vendredis du mois. La première séance, d’une durée d’1h, posera le cadre de l’atelier et proposera un premier éclairage théorique suivi d’un temps d’échange et de rencontre. Ensuite, une nouvelle consigne d’écriture sera proposée à chaque fin de séance pour le mois suivant. Les textes sont toujours anonymisés et l’écriture n’est jamais obligatoire pour participer. L’envie et l’inspiration peuvent émerger au fil des séances. L’ensemble des textes, avec l’accord des auteurs, pourra faire l’objet d’une publication en fin d’année.
Jérôme Bouvy, titulaire d’un master en philosophie de l’UCLouvain, de l’agrégation de l’enseignement supérieur et d’un certificat universitaire de didactique de la philosophie et de la citoyenneté, possède une expérience de plusieurs années dans l’enseignement secondaire général, technique et professionnel. Engagé en mai 2022 comme “Philosophe Hospitalier” au sein du Grand Hôpital de Charleroi, il a pour projet de faire entrer la philosophie en tant que pratique vivante au cœur du quotidien. L’enjeu n’est pas de transmettre une “philosophie pour le personnel”, du haut d’une estrade ou depuis un bureau, mais bien de “philosopher avec le collectif”, à partir des problèmes qui se vivent concrètement à l’hôpital. Il s’agit donc, partout où c’est possible, d’institutionnaliser des espaces de réflexion qui, par la discussion argumentée ou l’approche narrative, contre la culture du clash et sans tomber dans le bavardage, permettent de (re)donner du sens par l’exercice collectif de la lucidité.