Appel à contribution pour le numéro 14 de la RFEA
Cet appel à contribution sur le thème des “injonctions contradictoires” est une initiative de la Chaire de Philosophie à l’Hôpital.
Coordination scientifique
- Valérie Gateau, docteur en philosophie, formatrice en éthique et chercheuse associée à la Chaire de Philosophie à l’Hôpital
- Nicolas El-Haïk-Wagner, doctorant en sociologie, Conservatoire National des Arts et Métiers, chargé de mission à la Chaire de Philosophie à l’Hôpital
- Pierre-Emmanuel Brugeron, responsable du pôle ressources, Espace de réflexion éthique Ile-de-France, rédacteur en chef adjoint de la Revue française d’éthique appliquée
- Paul-Loup Weil-Dubuc, responsable du pôle recherche, Espace de réflexion éthique Ile-de-France, rédacteur en chef de la Revue française d’éthique
appliquée
La crise sanitaire a mis sur le devant de la scène les injonctions contradictoires auxquelles sont confrontés les individus dans la sphère professionnelle : manque d’écoute et de suivi, érosion de la confiance, perte de sens dans le métier, souffrance éthique, etc. Les injonctions contradictoires sont nombreuses et bien visibles dans le domaine du soin et de l’accompagnement : les hôpitaux sont jugés sur leur capacité à maîtriser leur budget, mais les discours portent sur les valeurs et sur un soin centré sur la personne. Les soignants doivent personnaliser la prise en charge des malades et répondre aux critères de standardisation des soins. Il leur est demandé de prodiguer des soins de qualité, mais dans des conditions de travail défavorables à la qualité des soins. La Haute Autorité de Santé elle-même admet que la multiplication des protocoles devient un obstacle à la spontanéité et à la relation humaine constitutive du soin (Compagnon Ghadi, 2009). Mais plus généralement, au-delà du travail soignant au sens strict, et au-delà même des activités de care, le travail contemporain place souvent les individus dans la position de devoir manquer à des devoirs, des missions ou des engagements pour pouvoir en respecter d’autres. Souvenons-nous de Daniel Blake dans le film éponyme de Ken Loach, qui se trouve au cœur d’une douloureuse et fatale injonction contradictoire, provenant cette fois de deux sources différentes : son médecin lui recommande de lever le pied pour ne pas risquer un infarctus du myocarde mais, dans le même temps, le service d’aide à l’emploi exige de lui qu’il travaille à l’issue d’un examen de santé lors duquel il est jugé apte. Cette situation impossible l’oblige, pour espérer le repos, à d’éprouvantes démarches administratives.