Année 2020/2021Architecture et care 1Séminaires de Sainte-Anne 4

Un cycle animé par Eric de Thoisy, architecte, docteur en architecture, chercheur associé à la Chaire de philosophie à l’Hôpital, directeur de la recherche de l’agence SCAU.

Peut-on formaliser des relations entre architecture et care ? De quelle(s) nature(s) ces relations seront-elles, et auront-elles quelque opérationnalité ? D’une part pour étudier la place et la qualité des « espaces du soin » dans la cité, et d’autre part pour poser quelques hypothèses en vue d’un renouvellement plus général des méthodologies de l’architecture.

Le care propose une reformulation de l’acte du soin, nouvelle étape d’une histoire des pratiques de santé, et il faudra qualifier cette histoire du point de vue de l’espace, en remarquant alors un double mouvement dont l’ambivalence persiste : entre spécialisation (et formalisation d’une architecture « sanitaire », celle de l’hôpital en particulier) et extension (à la cité entière comme outil thérapeutique, jusqu’aux dérives du soin comme argument de marketing urbain). Quelles limites (matérielles et immatérielles) faut-il reposer aujourd’hui entre l’hôpital et la cité ?

Par ailleurs on observera : la qualité « thérapeutique » d’un espace est souvent liée à des dispositifs d’éloignement et d’enfermement (de non-soin ?) : l’architecture, depuis bien longtemps, sort les vulnérables de la cité (la cité en tant que dispositif optique). Alors que l’un des enjeux du care est celui d’une production de visibilité de l’acte du soin, il va sans dire que l’architecture a un rôle essentiel à jouer.

Cette lecture sera aussi à intégrer dans un questionnement plus large : tout aménagement de l’espace n’est-il pas, au fond, un dispositif médical (prothétique) ? La complicité entre architecture et médecine est claire (les épisodes hygiénistes en sont les meilleures preuves), mais il faudra revenir à d’autres moments de l’histoire tendant à identifier l’architecture à, au contraire, un dispositif de séparation, d’assujettissement (voire de mise à mort) plus que de subjectivation. Que reste-t-il de cette ambivalence dans la cité contemporaine, et qu’en faire ?

On sait enfin que l’hypothèse du care engage des élargissements et des relationnalités nouvelles, en incluant la nature et le vivant dans le prisme des sujets soignés. Le milieu bâti, architecturé, est-il à inclure dans ce même mouvement, est-il également l’objet (ou le sujet) d’un « soin », et de quel type de soin ? Le care est à mettre ici en correspondance avec le champ des réflexions (architecturales entre autres) sur la crise de la modernité, de la nouveauté, de la matérialité. Alors que beaucoup de nos milieux habités (artificiels ou naturels) sont contaminés, « malades », on voudra tester la validité et les limites de l’hypothèse d’un système mutualisé de maintenances, de réparations.

Dernier ouvrage paru : La maison du cyborgApprendre, transmettre, habiter un monde numérique