Éprouver de l’empathie pour quelqu’un suscite généralement des louanges. L’empathie – éprouver les émotions d’autrui et se mettre à sa place – serait vertueuse et elle serait souhaitable notamment dans la médecine où il est courant de regretter un défaut d’empathie de la part des soignants et soignantes. Cette thèse est mise en avant par des patients et des patientes, des philosophes et des médecins. Les études médicales seraient responsables de ce défaut d’empathie, à cause de leur orientation presque uniquement biomédicale et scientifique. Cette contribution propose de revenir sur ces thèses sur la place de l’empathie dans la médecine. Ces thèses font consensus et elles sont appuyées par des données empiriques. Sont-elles néanmoins si convaincantes ? Faut-il vraiment plus d’empathie en médecine ? Il s’agit d’examiner deux aspects de cette question volontairement provocatrice. D’abord, est-il vrai que les étudiants et étudiantes en médecine sortent de leurs études avec un défaut d’empathie ? Comment mesure-t-on l’empathie ? Ensuite, d’un point de vue normatif, l’empathie est-elle vraiment digne de louanges ? Pour le dire autrement, l’empathie est-elle un guide efficace et fiable nous permettant de prendre les meilleures décisions possibles d’un point de vue moral ? Nous ne pouvons pas nous contenter de l’intuition qui peut être la nôtre et selon laquelle l’empathie est nécessairement bonne. Cette intervention propose plusieurs éléments – à la fois conceptuels et méthodologiques – pour remettre en cause l’idée selon laquelle les études médicales seraient responsables d’un défaut d’empathie. Ensuite, cette intervention exposera plusieurs arguments contre l’empathie, en montrant qu’elle n’est ni nécessaire ni souhaitable dans nos vies morales et en particulier dans la pratique médicale. Cela ne signifie cependant pas pour autant la mort de l’humanisme médical ou la défense d’une médecine immorale. Bien au contraire, il s’agira de montrer qu’un autre concept – celui de compassion, que l’on définit comme le simple fait de se soucier du bien-être d’autrui, sans pour autant ressentir ce qu’il ressent – est préférable à l’empathie. Le concept de compassion, bien que plus minimaliste, permettra également d’élargir la discussion et de ne pas s’arrêter à la simple question de la relation patient-médecin en médecine.