[vc_row equal_height=”yes”][vc_column width=”1/6″][/vc_column][vc_column width=”2/3″][vc_column_text]Par nature, l’enfant est une personne humaine immature, incomplète, fragile, périssable, dépendante de l’adulte. Il est mineur, ni autonome, ni responsable. Il est aussi la promesse d’avenir, de pérennité, de progrès, de renouvellement de l’humanité et des sociétés humaines. Il est enfin, pour chacun de nous, ce que nous avons été et que nous ne pouvons et ne voulons plus être.
L’enfant est donc amené à devenir un adulte en pleine possession de ses moyens, mais il n’est pas maître de ce devenir. Sa dépendance, tant qu’il n’en est pas sevré par l’attribution d’un statut d’adulte, le maintien dans un état de mineur non seulement physiologique mais aussi de mineur social. Ce temps de maintien en minorité est destiné à lui permettre d’acquérir la culture à laquelle il appartient et de s’adapter à la société à laquelle il est intégré. La société humaine dans laquelle il vit lui donne une éducation qui priorise l’épanouissement de ses capacités propres qui, elles-mêmes, conditionnent l’avenir que les siens prévoient de lui voir atteindre.
Pendant ses premières années, l’enfant n’est pas libre de son éducation. Il reçoit celle qui lui est adjugée par la communauté dans laquelle il grandit. L’éducation qu’il reçoit vise son meilleur épanouissement, son meilleur développement, en lui donnant les meilleurs moyens de devenir un être libre et autonome. Il reçoit aussi une éducation qui le prépare à son intégration sociale, à une place qui sera la sienne et à laquelle il doit être préparé, pour le plus grand bénéfice de sa communauté autant que pour le sien. L’enfant apprend progressivement à être libre et à remplir la mission qu’attend de lui la société dans laquelle il grandit. Sa condition peut apparaître contradictoire par elle-même, étant libre et contrainte, ne pouvant être l’une sans l’autre : les deux facettes de l’éducation qu’il reçoit se conforment chacune à une pré-vision de ce qu’il doit devenir tant dans son meilleur intérêt que dans le meilleur intérêt de sa communauté humaine d’appartenance.
Pendant son enfance, durant toute sa minorité, les décisions qui le concernent, sont prises pour
l’enfant, puis avec lui, puis par lui sous contrôle de l’adulte qui en est responsable.
Etre un enfant n’est pas un handicap, tout au contraire, c’est une promesse. Une promesse d’avenir et de liberté pour lui, une promesse de pérennité et de renouvellement pour la société et sa culture dans lesquelles il est élevé, une promesse de progrès et d’évolution pour l’humanité. Par sa nature même, l’enfant est l’un des biens les plus précieux de tout humain, de toute société, de toute culture, de l’humanité.
Pour un enfant, avoir un handicap, est un obstacle qui peut parfois devenir infranchissable pour atteindre la majorité, c’est-à-dire sa pleine autonomie, sa pleine responsabilité et sa pleine liberté. Le handicap peut donc conduire au maintien en l’état de minorité, y compris à l’âge adulte. Ainsi, handicap et minorité sont liés. Si être enfant, être mineur, n’est pas un handicap, certains handicaps entravent la progression naturelle de l’enfant vers la majorité et parfois peuvent maintenir la personne dans la minorité à l’âge adulte, voire à vie. Cependant le handicap est un obstacle non par son existence ou sa nature, mais par la perception qu’en ont les adultes, les majeurs, les êtres libres de sa communauté, et par l’usage qu’ils en font.
L’enfant est l’être humain qui, du fait de son jeune âge, n’a pas encore acquis toutes les capacités d’un être autonome et libre. Il est mineur. La minorité est l’état de celui à qui l’on ne reconnaît pas la pleine responsabilité de ses actions. La minorité est à la fois un état et un statut, l’état et le statut de la personne qui n’a pas l’autonomie ni la responsabilité de sa liberté de choix ni de la complète maîtrise de sa vie.
Le handicap est entendu ici comme l’entrave au développement harmonieux de l’enfant conséquence d’une pathologie, d’une agression psychologique ou physique, ou encore d’une insuffisance affective, sociale ou éducative. Cette entrave à son développement harmonieux accentue l’état de minorité de l’enfant et tend à le maintenir dans un état d’infériorité. Le handicap diminue les capacités naturelles de l’enfant à se développer harmonieusement. Quand le handicap de l’enfant remet en cause les limites de l’humain, c’est-à-dire quand l’enfant n’atteint pas les limites minimales permettant sa reconnaissance en tant qu’être pleinement humain, ou lorsqu’il ne lui

permet pas de manifester des capacités suffisantes pour pouvoir se développer jusqu’à devenir l’être humain autonome et libre qu’on attend qu’il devienne, le handicap peut alors remettre en cause jusqu’à sa nature humaine, ou plus exactement sa légitimité à être reconnu comme membre de sa communauté humaine.
Si les interactions entre la minorité et le handicap sont une question de philosophie morale, d’éthique, elles sont aussi une question de philosophie sociale et politique. L’hôpital est un lieu d’exercice de l’éthique médicale et qui renvoie à la philosophie éthique mais aussi sociologique et politique. La pédiatrie est une discipline où les questionnements éthiques naissent, notamment, de situations médicales aiguës où il faut prendre des décisions en urgence, où il faut décider de la mort ou de la survie d’enfants qui n’ont jamais exprimé leur souhait ou leur volonté, et où les parents sont dans une situation ambiguë de décideur en tant que responsable de leur enfant, mais en même temps de mineurs, puisque leur avis n’est pas décisionnaire. Pendant la grossesse, la répartition des positions est inversée, les parents prennent la décision concernant le fœtus ; le corps médical statue sur le caractère légal d’une demande d’interruption médicale de grossesse, et dans ce cas l’exécutent conformément à la décision écrite, signée par la mère.
Je reconnais comme un progrès la possibilité légale de pouvoir interrompre une grossesse dans les situations de pathologie grave et incurable. Je reconnais de même comme un progrès de pouvoir arrêter les traitements de maintien en vie d’une personne dont la survie n’est destinée qu’à vivre dans un état de profonde dépendance, d’absence d’autonomie ou de conscience. Mais ces progrès mêmes nécessitent qu’on s’interroge sur les limites de l’exercice, c’est-à-dire pas uniquement sur l’aspect technique, médical, des critères définis par la loi. Car la loi ne donne pas de norme ni d’indication de ce qu’il convient de faire qui reste « à chaque fois unique » ; elle définit ce qui est raisonnable et ce qui est une obstination déraisonnable. Elle précise ce qui est possible et ce qui n’est pas permis. Cette frontière n’est pas tracée entre la vie d’un côté et la mort de l’autre, elle est un problème, dans les acceptions qu’en donne Jacques Derrida : problema écrit-il1. Car elle est à la fois une ligne, une frontière, un passage, un seuil, derrière lesquels on tente de se protéger de la décision qui nous incombe et nous pose problème ; elle est aussi cette limite que l’on projette de faire franchir à l’autre, à l’agresseur virtuel qu’est le fœtus ou l’enfant « trop » handicapé.

Problématique
L’enjeu essentiel de cette thèse est d’analyser et de comprendre comment définir une personne mineure, comment interagir avec elle, comment concilier la prise en compte de l’incapacité de cette personne et le respect dû à cet être humain. Enfance et handicap sont deux concepts de minorité. Ils diffèrent avant tout par le caractère naturel et transitoire de l’enfance alors que le handicap est pathologique et définitif. Pathologique en tant qu’invalidant et irréparable, pathologique en tant qu’infirmité. Le cheminement de la question sur les interactions entre enfance et handicap se décline ainsi :
L’enfant est-il un être humain à part entière quand il est gravement handicapé, atteint d’une maladie chronique invalidante, quand il s’agit de justifier les soins qu’on lui donne ou de prendre à son égard une décision de fin de vie ?
L’enfant garde-t-il un statut d’être humain quand il cesse d’avoir un avenir d’homme libre et autonome, lorsqu’on découvre qu’il est gravement handicapé ou atteint d’une maladie chronique incurable ?
L’enfant, être imparfait, immature, non fini, dépendant, est-il un être humain à part entière, ou un
humain partiel ?
L’enfant a-t-il une valeur sociale en dehors d’être un humain en puissance d’homme libre, d’homme
productif, ou d’homme exploitable ?
A partir de quand un enfant devient-il un être humain à part entière ?
Au-delà de l’enfance, le handicap peut entraîner le maintien de la personne en l’état de minorité,
ne lui permettant pas de s’affranchir, de devenir majeur, c’est-à-dire libre et autonome, en possession

1Derrida J., 1996 : Apories. Galilée, Paris

de tous ses moyens. Mais c’est le constat du handicap qui induit le refus de reconnaître ses droits à l’autonomie et à la liberté complètes. C’est une double peine : à l’entrave du handicap s’ajoute les limitations supplémentaires assignées par le corps social, limitations qui restreignent l’accès à l’autonomie et à la liberté. Limitations assignées tant pour le protéger lui-même que pour protéger la société. Quel est alors le statut de l’enfant, quelle est sa place à l’hôpital, à l’école, dans la famille, dans notre monde ? N’est-il qu’un être immature, incapable, non-fini ? Est-il un futur homme, un humain partiel, un humain potentiel, un pas-encore-humain ? Et qu’en est-il, s’il est handicapé ?
Il est nécessaire de trouver un « rationnel » défendable et opposable, d’avoir un théorique pour justifier le professionnalisme nécessaire pour gérer la prise en compte du handicap. Les motivations des personnes qui travaillent pour le handicap sont très diverses, mais leur professionnalisme s’appuie sur la nécessité de s’occuper du faible, de l’enfant. Les autorités et les tutelles, souvent bien-pensantes, attribuent aux professionnels une quête d’abnégation, d’expiation ou de rédemption. Mais s’occuper du handicap ne doit pas se résumer au sacerdoce ou à la compassion, ni être réservé aux proches qui n’ont pas le choix et à des personnalités particulièrement enclines à la compassion.

Au bout du compte, les limitations du handicap sont plus importantes qu’elles ne seraient des seules conséquences du handicap, comme on le voit en pratique lors des décisions d’interruptions médicales de grossesses ou les arrêts de traitements jugés déraisonnables ou la mort n’est pas due au handicap biologique lui-même, mais aux décisions de ne pas lui permettre de vivre, pour le protéger des conséquences dramatiques de son mal et pour protéger ses proches des souffrances d’avoir un enfant lourdement handicapé. Ce qui amène les questions corollaires de la décision pour autrui, de juger de la valeur de sa vie et d’évaluer sa qualité de vie.
Si ces situations particulières du fœtus ou du nouveau-né dont l’avenir serait un handicap sévère, peuvent être envisageables d’un point de vue éthique, elles sont le paradigme de la rétrogradation de son statut de personne humaine du fait de son handicap. En effet, pour certains penseurs, ces enfants handicapés peuvent être disqualifiés du statut de personne ce qui leur permet de justifier, d’un point de vue moral, la décision prise pour eux2. Dans les situations plus ordinaires, le handicap induit aussi la minorité et disqualifie la personne pour accéder à l’autonomie et à la liberté totale dont elle serait capable et qui feraient d’elle une personne digne de respect.

Je me propose d’explorer les interactions entre handicap et minorité à partir de trois questions : Quel péril le handicap fait-il courir et à qui ? Qu’est-ce qui maintient la personne handicapée à l’état de minorité ? Qu’implique pour la personne le maintien définitif en état de minorité pour ce qui concerne son statut d’être humain en termes d’autonomie, de responsabilité et de liberté ?

Méthodologie
L’enfant est un être humain normal qui présente une incapacité naturelle qui ne lui permet pas d’avoir le statut d’homme doué de raison, de conscience de soi, d’autonomie. L’étude des textes philosophiques doit permettre de comprendre le statut de l’enfant et du fœtus.
Les philosophes de la Grèce antique n’ont laissé qu’une faible place dans leurs pensées à l’enfant, au mineur, et à tous ces êtres qui n’ont que peu d’autonomie, les reléguant, avec les animaux, à des rangs d’inférieurs. Ils se sont essentiellement appuyés à définir ce qu’est un homme et en quoi il est une être supérieur et en ce sens digne de respect. Il nous revient de déduire, de ce qu’ils n’en disent pas, ou en disent « en creux », ce qu’ils pouvaient penser de l’être imparfait, immature ou fragile et de sa place dans la cité (de Socrate et Platon à Aristote).
Les approches philosophiques de l’enfance en tant qu’âge particulier de l’être humain permet d’appréhender différentes façons de considérer l’enfant, le nourrisson, le fœtus, comme être pleinement humain ou futur humain. Les philosophes pensent le statut d’être humain de l’enfant, ses incapacités et ses limites et les variations de l’entendement. Celles-ci, dues à sa nature même d’être immature, en devenir, ou à sa minorité, sont souvent indirectement abordées dans les textes

2Glover, Singer, Parfit, McMahan l’affirment plus ou moins explicitement dans leurs écrits.

(Averroes, Erasme, Rousseau, Canguilhem, Agamben).
Autrui, l’autre, le différent, font l’objet de nombreux travaux de philosophie éthique (de Levinas et Ricœur à Derrida). Les philosophies éthiques descriptives analysent l’enfant et la personne handicapée afin de comprendre ce qu’ils sont, ce qu’ils vivent et ressentent. Cette approche empathique prône une démarche de justice et de respect, et tente de décrire les conséquences du handicap sur la personne, et sur ce qu’elle ressent dans sa vie quotidienne. Ces philosophies visent à connaître le handicap non par son insuffisance mais par ce qu’endure la personne et ce qu’il lui faut surmonter. La finalité de ces philosophies vise à amener la société à plus de justice, à apporter les compensations qui permettraient de lever le déficit dû au handicap et de donner accès à la personne handicapée à la possibilité de vivre « comme tout le monde ». Certaines de ces philosophies éthiques abordent la question de la situation de la personne handicapée et étudient ce qu’elle est au- delà de ses déficiences et ce qu’elle représente pour la société et ce qu’elle nous apprend sur nous- même. (Foucauld, Ancet, Agamben, Quentin, Saulus)
Aujourd’hui, certains courants philosophiques analysent, selon une méthode rationnelle de philosophie morale, ce qu’implique le handicap sur l’autonomie de la personne et les conséquences qui en découlent sur le respect dû à la personne handicapée. Ces courants se fondent sur une analyse du déficit produit par le handicap et en déduisent un degré d’humanité restant à la personne. Selon ce degré d’humanité restant, ils définissent, croyant les avoir pré-établis, les critères qui leur permettent de déterminer le niveau en deçà duquel un être humain est autonome et libre ou à l’inverse dépendant de son entourage et donc incapable d’autonomie et de liberté (rationalisme, utilitarisme, conséquentialisme, de Bentham à Mill et de Williams, Glover et Parfit à Singer et McMaham). Ces philosophies ont prospérées à propos des discussions au sujet de la légalisation de l’avortement qui est devenu une pratique médicale autorisée.

L’analyse de ces différentes approches philosophiques, parfois en apparence contradictoires et incompatibles donnent une voie pour tenter de débusquer ce qu’elles ont de présupposés et de biais d’analyse, qui parfois sont inclus dans les prémisses de façon imperceptible ou insoupçonnée, et qui prédéterminent les fins comme l’a souligné Bernard Williams3.

Il nous faut chercher devant cette complexité les interactions et les jonctions possibles entre des logiques et des connaissances différentes, qui sont le propre de la pensée complexe. Ce travail sera complété par une exploration avec une analyse philosophique des connaissances acquises par des approches différentes de la pensée humaine sur l’enfant et sur les diverses formes de l’être handicapé. Les travaux des scientifiques avec la biologie, l’anthropologie, l’ethnologie et la sociologie, la psychologie, la psychanalyse, l’histoire et le droit.
Enfin les croyances sur la nature de l’enfant et du handicapé seront abordées avec les religions et les mythologies. La diversité des orientations de ces connaissances académiques et intellectuelles, nécessite de trouver un terrain commun sur ces questions de l’enfance et de ses conséquences en terme d’incapacité et de dépendance, et de la façon dont celles-ci sont pensées.
Les textes apportant des connaissances sur les enfants sauvages et les enfants maltraités, négligés ou séquestrés, seront aussi pris en compte car ils ont aussi interrogé la possibilité de devenir pleinement humain, notamment intellectuellement, relationellement ou socialement, lorsqu’on a grandi tout seul (enfants séquestrés, orphelinats carentiels, enfants exploités (sexe, travail, guerre).
Les connaissances médicales seront elles aussi partie prenante dans ce travail, non pas tant par l’entremise de la pathologie que par l’analyse de la place de l’enfant telle que le pédiatre peut l’observer dans certaines situations particulières, mais aussi exemplaires du fait de leur caractère extrême, situations où l’enfant se trouve aux limites de la vie humaine : vie fœtale, handicap intellectuel et physique grave (le polyhandicap), fin de vie, maltraitance, misère, seront analysées au regard de ce que l’on peut observer sur la façon dont ces incapacités sont pensées aujourd’hui et des

3Bernard Williams, [1985] : L’éthique et les limites de la philosophie. Gallimard, Paris, 1990

Projet de thèse Thierry Billette de Villemeur, octobre 2018
conséquences qui s’ensuivent sur le statut de l’enfant, du mineur, de l’incapable. De ce point de vue
la pédiatrie est un observatoire précieux.

Corpus philosophique
1. L’enfant a principalement mobilisé les philosophes sur les aspects de l’éducation et de la formation de l’esprit. A travers l’éducation apparaît les insuffisances, les carences et les incapacités naturelles de l’enfant telles que les philosophes les déterminent en montrant comment il faut amener l’enfant à s’en libérer pour acquérir le statut d’homme, c’est-à-dire essentiellement à ressembler à l’adulte qui l’éduque, à être intégrer dans la société dans laquelle il grandit. [Erasme : Du plan des études, 1512 ; Il faut donner très tôt aux enfants une éducation libérale, 1529 ; Traité de civilité puérile, 1530 ; Montaigne : Essais, 1572 ; Rousseau : l’Emile, 1762 ; Kant : Réflexions sur l’éducation, 1776-1787 ; Bergson : L’évolution créatrice, 1907 ; Dewey : Démocratie et éducation, 1916 ; Arendt : La crise de la culture, 1961]
2. La différence entre l’enfant et l’adulte est-elle une différence de nature opérée par l’éducation qui façonnerait l’enfant, personne potentielle, pour le « transformer » en personne humaine qui a droit au respect et au statut d’être humain ? [Jeff McMahan : The ethics of killing, 2002] Ou bien, l’enfant est-il un être humain immature, incomplet, non-fini, mais qui se définit lui- même et en ce cas de la même essence que « l’homme ce caméléon que nous sommes ». [Pic de la Mirandole : Discours sur la dignité de l’homme, 1486 ; Heptale, 1489 ; 900 conclusions philosophiques, cabalistiques et théologiques, 1986]. L’expérience permet à l’enfant d’apprendre et de progresser depuis la minorité jusqu’à atteindre la majorité [Rousseau : Confessions, 1782 ; Kant : Qu’est-ce que les lumières, 1784]
3. Les hommes sont interdépendants, et en cela l’enfant ne diffère des adultes que par le caractère asymétrique de sa dépendance à l’adulte qui est unidirectionnelle. L’enfant devient majeur par reconnaissance mutuelle dans la société dans laquelle il vit. [Hume : Traité de la Nature humaine, 1740 ; John Dewey : L’influence de Darwin sur la philosophie, 1910] Les communautariens [Charles Taylor : Les sources du moi, 1989 ; John Rawls : La justice comme équité, 2001 ; Michael Sandel : Justice, 2010]. L’Ecole de Frankfort [Theodore Adorno : Minima moralia, 1947; Walter Benjamin : Critique de la violence, 1921; Axel Honneth : Lutte pour la reconnaissance, 1992; La société du mépris, 2006]
4. La psychanalyse montre combien l’interaction entre les hommes, si elle est indispensable à l’enfant pour s’épanouir, est aussi indispensable aux adultes qui ne sont jamais des êtres achevés, mais aussi des êtres en perpétuelle évolution. La raison, le psychisme, la vie sont une perpétuelle progression interactive entre les hommes. [Jung : La structure de l’âme, 1928 ; L’énergétique psychique, 1947 ; Winnicott : Cure, 1970 ; Lacan : Le Séminaire livre VII L’éthique de la psychanalyse, 1986]. Cette interdépendance n’est pas le fait seulement des individus entre eux, mais aussi celle de chaque personne avec la communauté des hommes dans laquelle elle évolue, et celle à laquelle elle se sent appartenir, [Judith Butler : Antigone : La parenté entre vie et mort, 2000]. Cette dépendance envers le groupe est encore plus marquée dans la dépendance de l’être avec les institutions qui sont à même de façonner l’individu pour l’adapter à la société qui le considère comme lui appartenant. [Mary Douglas, Comment pensent les institutions, 1986].
5. Les êtres incapables, enfant, déficient intellectuel, polyhandicapé, sont sous la protection de l’institution qui crée des lois pour protéger ces personnes dépendantes de la souveraineté de fait de leurs proches. L’incapacité engendre une relation asymétrique, et une soumission de fait de l’incapable à celui qui l’entoure. Cette double extraction de la société, celle de l’incapable et celle de celui qui s’en occupe, est l’exclusion de la « vie nue » et celle du souverain d’Agamben : [Homo Sacer, le pouvoir souverain et la vie nue, 1995]. Cette insécurité de celui qui est en position d’être l’homo sacer, est présente au quotidien. C’est un leurre de penser que les institutions protège l’incapable. Elles le font par la loi vis-à-vis des individus, mais il est des exemples où l’institution se comporte de façon souveraine, et hors la loi, vis-à-vis de celui qui ne peut se défendre. [Chomsky et Foucault : De la nature humaine : justice contre-pouvoir, 1971 ; Wolff : Notre humanité, d’Aristote aux neurosciences, 2010].

6. La parenté entre l’enfant et la personne déficiente intellectuelle est clamée par Erasme [Eloge de la folie, 1509]. L’idiot, l’imbécile, le déficient intellectuel, le handicapé mental, l’incapable, dont « la faiblesse ne permet jamais aux malheureux de sortir de l’état d’enfance sont trop connus pour qu’il soit nécessaire que je m’y attarde longtemps » écrit Kant [Essai sur les maladies de la tête, 1764]. Mais cette nature particulière du « malade mental » n’est souvent pas abordée par les philosophes et n’est déductible qu’a contrario des nombreux écrits sur l’entendement humain. [Hume, Enquête sur l’entendement humain, 1758 ; Locke : Essais sur l’entendement humain, 1689 ; Leibniz : Nouveaux essais sur l’entendement humain, 1715) ; Rousseau : Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, 1755].
7. Canguilhem a rappelé, notamment aux médecins, que « la vie est en fait une activité normative » et que « dans l’espèce humaine, la fréquence statistique ne traduit pas seulement une normativité vitale mais une normativité sociale », [Essai sur quelques problèmes concernant le normal et le pathologique, 1943]. L’enfant polyhandicapé, s’apparente au monstre, ce « mixte de vie et de mort : le fœtus qui vient au jour avec une morphologie telle qu’il ne peut pas vivre ». Cette
« transgression de la loi naturelle » renvoie « à une transgression du droit humain et divin » monstrueuse [Foucault : Les anormaux, 1974-1975]. L’hôpital est alors nécessaire « pour les maladies difficiles, complexes, « extraordinaires » auxquelles la médecine sous sa forme quotidienne ne peut faire face. » [Naissance de la clinique, 1963 ; Histoire de la folie à l’âge classique, 1972]. Chez l’enfant, la lésion neurologique interagit avec le développement du cerveau.
« Entre le processus morbide et le fonctionnement général de l’organisme, la maladie ne s’interpose
plus comme une réalité autonome. » [Maladie mentale et psychologie, 1954].
8. L’autre totalement séparé, l’expérience de l’approche du visage de l’autre d’où surgit la responsabilité à laquelle on ne peut se soustraire, l’être exposé et sans défense : Levinas a défini autrui, l’être vulnérable, l’enfant. [Totalité et infini, 1971 ; Humanisme de l’autre homme, 1972 ; La mort et le temps, 1975 ; Autrement qu’être, ou au-delà de l’essence, 1978 ; Ethique comme philosophie première, 1992]. Juger la capacité d’autrui est une gageure, car la conscience observée n’est pas la conscience ressentie rappelle Ricœur, [Soi-même comme un autre, 1990]. Mais au-delà de cet état, applicable à tout être « incapable », sa prise en compte passe par la recherche de ce que peut être la vie bonne pour lui en même temps que pour soi ; et quelle vie bonne est possible dans un monde mauvais, quand le monde mauvais inclus parfois les institutions mêmes à qui l’incapable est confié (hôpitaux, tutelles, aide sociale à l’enfance, médico-social, école) ? [Judith Butler : Qu’est-ce que la vie bonne, 2012 ; Mary Douglas : Comment pensent les institutions ?, 1986].

Mots-clés : Enfance, handicap, minorité, éthique, humain,

Développements
1. Incapacité et dépendance sont naturellement humaines. Évolution, apprentissage, maturation …
Jean Pic de la Mirandole a compris que l’homme était un être inachevé. L’homme est un être immature, imparfait, non fini. Cette imperfection est bénéfique à tout homme en lui donnant la possibilité de développer des capacités et des compétences inédites et de s’adapter à son environnement naturel ou non. Cette capacité d’adaptation est active, rapide, efficace et le distingue des autres animaux qui eux n’ont le plus souvent qu’une aptitude limitée à modifier leur comportement individuel au contexte dans lequel ils vivent. L’homme, lui, a une capacité d’innovation qui lui est propre. Cette capacité d’innovation est liée à ses incapacités naturelles qu’il doit compenser par l’invention de moyens d’adaptation. La sélection naturelle de Darwin ne retient que les êtres les plus adaptés, il s’agit d’une sélection des innovations passives apparues avec les mutations génétiques qui vont induire l’apparition de caractères nouveaux dont certains sont favorables à la survie de l’espèce et qui seront conservés, d’autres sont neutres et d’autres enfin sont délétères et ne seront pas retenus. Cette sélection naturelle darwinienne intervient lentement, au rythme des mutations nouvelles, et au rythme des contraintes environnementales qui exercent une pression sur la survie des espèces vivantes.

L’espèce humaine est caractérisée, notamment, par l’immaturité exceptionnelle du nouveau-né humain qui est très dépendant des soins de l’adulte pour sa survie immédiate, et par une enfance particulièrement longue comparativement aux autres animaux et notamment ses plus proches cousins primates et grands singes actuels mais aussi semble-t-il humains du genre homo disparus. Cette immaturité du nouveau-né et de l’enfant humain entraîne une contrainte sur son entourage humain immédiat qui implique un mode de vie sociale particulière permettant « l’élevage » des enfants. La longue durée de l’élevage de l’enfant autorise, outre le développement des capacités propres à l’espèce humaine sélectionnées par l’évolution darwinienne (telle le langage), la transmission de compétences « enseignées » par les plus grands et les adultes, compétences culturelles et sociales qui renforcent les capacités de survie de l’espèce humaine et sont sélectionnées de façons rapides en lien direct avec leur efficacité. Ces capacités acquises par l’éducation ne sont pas des évolutions passives de type darwinien, mais des évolutions actives, imaginées et créées ou observées et reproduites par les humains.
Ainsi, cette immaturité, ce caractère non fini, incomplet, imparfait de l’être humain, en est non seulement une caractéristique spécifique, mais aussi une « qualité » conservée par la sélection darwinienne du fait de son extraordinaire puissance d’adaptation rapide aux modifications de l’environnement hostile et changeant dans lequel l’homme évolue. On peut donc retenir cette immaturité de l’enfant comme une caractéristique des plus pertinentes de l’être humain, et que la persistance à l’âge adulte de ce caractère non fini, incomplet, imparfait est un atout majeur de l’espèce humaine.
En dépit de l’atout majeur que représente cette immaturité, cette imperfection, pour l’espèce humaine, l’enfant est spontanément considéré par l’adulte, et qualifié par la société dont il est pourtant l’avenir, comme un être mineur. Cette incapacité liée à l’âge doit être analysée à travers les écrits des philosophes, des sociologues, des pédagogues et des législateurs. L’enfant y est souvent considéré comme devant être protégé du fait de son incapacité physiologique liée à l’âge. Mais cette incapacité physiologique liée à l’âge n’est pas seule retrouvée dans les écrits. Elle y est côtoyée par d’autres types d’incapacités réelles ou alléguées, permettant de justifier des attitudes, des comportements et des réglementations irrespectueuses vis-à-vis des personnes qui en sont affublées, au motif même de cette incapacité qui leur est attribuée. Les législations et règlements qui régissent les relations entre les humains, au motif de protéger ces êtres incapables, qu’ils soient enfant, handicapé, femme, esclave, réfugié, migrant, dans un statut d’infériorité et de dépendance, aboutit parfois, voire vise même, à annihiler toute possibilité d’émancipation.
Ici l’homme devient un être de droit, qui diffère des autres êtres humains qui ont des marques d’infériorité, dont ils doivent s’affranchir pour acquérir les pleins droits de l’homme libre. Apparaît ainsi deux humanités, celle des hommes libres et dominants et celle des individus incapables, moins libres et moins dominants et toujours dominés.

2. Incapacité et dépendance sont parties intégrantes de l’être humain adulte normal.
La science de Darwin nous a appris que l’être humain est un maillon d’une évolution du vivant, que le vivant est une variation ininterrompue et que l’espèce humaine n’est pas le produit final de notre branche évolutive mais l’une des dernières ramifications en date, et que d’autres surviendront. La biologie nous a montré que le code génétique est le support de cette évolution mais aussi que le remaniement du code génétique est constant. Cette biologie s’applique à l’homme, à chaque homme, et notre identité biologique est en constante évolution. Cette évolution n’est pas uniquement génétique, mais aussi commensale comme le révèle l’impact du microbiote sur le fonctionnement de notre organisme et en particulier le fonctionnement de notre cerveau. Notre identité n’est pas fixe et n’est pas autonome nous indique Thomas Pradeu.
L’être humain n’existe qu’en tant qu’être social. Sa valeur individuelle n’est rien sans la société dans laquelle elle s’exerce (Elias). Les capacités d’un individu ne sont évaluables qu’en fonction du contexte dans lequel il évolue. Les révolutions ont illustrées la faiblesse des capacités individuelles lorsque les interactions interhumaines changent. Les humains capables d’avoir une influence transcendante, ou du moins universelle, sont eux-mêmes des humains insérés dans leur

environnement social et leurs pensées, leurs découvertes, leurs productions, sont toujours fondées sur la substance sociale à laquelle ils appartiennent. Aucun être humain n’est seul, aucun être libre ne l’est sans une structure sociale qui lui permet de l’être. Tout être humain est dépendant de son environnement social.
Tout homme est soumis à l’interdépendance de l’être social. L’espèce humaine, d’après la théorie de l’évolution, est sélectionnée par ses capacités d’adaptations à son environnement qui sont parmi les plus performantes dans le monde animal. L’espèce humaine est une des espèces animales sociales et capables de modifier son environnement, lui permettant d’adapter son environnement immédiat à ses besoins biologiques de vie, améliorant les chances de maintien de l’espèce. L’espèce humaine a de plus la capacité de modifier son environnement de façon non programmée génétiquement. Elle est capable d’organiser sa structure sociale et d’aménager son environnement, voire de créer des environnements, en fonction des besoins des différents groupes sociaux qui la constitue. La vie humaine évolue par l’effet de la sélection naturelle, à un rythme que nous ne pouvons pas voir en direct, mais que nous déduisons, et qui est le produit de la sélection naturelle. La vie humaine évolue aussi, et cette fois très rapidement et visiblement, du fait même de la structure sociale de l’humanité, sous l’effet d’une élaboration collective complexe, à partir de modèles sociaux qui impactent directement la vie de ses membres et qui sont en concurrences avec les modèles concomitants.
L’incapacité et le handicap sont présents de façon récurrente dans l’histoire, la mythologie, la religion. Souvent handicap et incapacité sont utilisés de façon allégorique pour illustrer la vie humaine, par exemple dans les écrits religieux, le handicap ou l’incapacité étant paradigmatiques et exemplaires pour décrire les situations de la vie humaine sociale.

3. Des différentes catégories d’incapacité
Selon quels critères les incapacités sont-elles normales, pathologiques, induites, affublées, décrétées ? Les incapacités les plus flagrantes sont de ce point de vue celles de l’enfant, la femme, le déficient mental, l’esclave. De manière plus sournoise celles du migrant, de l’étranger, entre autres.
La distinction que l’on peut faire des incapacités physiologiques, celles du fœtus, de l’enfant, sont des incapacités qui sont temporaires, universelles, et qui nécessitent d’expliciter en quoi cet état d’incapacité distingue ces êtres de l’être humain complètement accompli. Autrement dit, s’agit-il d’une différence de nature, ou s’agit-il d’une différence de degré ?
La distinction arbitraire des incapacités, affublées ou décrétées, qui n’ont pour seule justification que de soumettre à la domination d’un maître une catégorie de personnes utile à une caste dominatrice, qui se décrète elle-même comme la seule essence humaine pleinement accomplie, concerne la distinction faite de la femme ou de l’esclave, de l’étranger ou du migrant. Ces incapacités ne sont pas universellement admises même si elles existent de fait universellement dans le temps et dans l’espace dans toutes les sociétés humaines. Selon les situations il s’agit d’une différence de degré, mais aussi d’une différence de nature.
Les incapacités pathologiques, celles du déficient intellectuel, sont-elles le fait d’une différence de nature, comme cela est parfois affirmé ? La notion de monstruosité peut-elle avoir un support biologique et théorique ?
Ces différentes classes d’incapacités sont catégorisées par des lois et des règlements qui
définissent leurs droits en termes de justice, d’autonomie d’action, de liberté, de statut social.
L’incapacité légale du code Napoléon persiste actuellement. L’évolution du concept d’incapacité légale depuis 200 ans traduit les limitations de l’égalité des hommes dans la pensée républicaine. C’est l’incapacité des mineurs, des femmes, des incapables majeurs mis sous curatelle ou sous tutelle. Les lois de bioéthique et les lois sur la fin de vie gardent des stigmates de la façon dont l’incapacité doit être prise en compte par la société afin d’apporter une protection à la personne incapable. On voit aussi la façon dont les lois et les règlements laissent des failles dans la protection des individus incapables afin de permettre à l’autorité qui les protège de disposer de certains pouvoirs sur la personne incapable, à commencer par le pouvoir décisionnaire sur sa vie, et sur sa mort, pour les lois sur la fin de vie. Les comparaisons des droits de l’enfant dans différents pays et

au niveau international au vingt et unième siècle se confronte avec les problèmes pratiques
notamment ceux de l’enfant migrant quand il est en nombre.
La protection de l’incapable s’accompagne d’une asymétrie de relation qui isole et exclue tant l’être asocial, ou désocialisé, et son protecteur. Cette asymétrie est constante depuis le maître et l’esclave (Hegel versus Patterson), le fœtus et l’interruption de la grossesse (Boltanski), « homo sacer » et le souverain (Agamben).
La marginalisation sociale, tant du protecteur que de l’incapable, leur asymétrie, certes le plus souvent relative, sont néanmoins institutionnalisées de fait par les textes qui les rationalisent. L’application du raisonnement à une catégorie d’incapable peut se transposer à une autre catégorie de façon abusive.
L’enfant, être incapable, est parfois plus capable que l’homme accompli : enfants facteurs d’accueil dans un monde interdit ou privé (exemple de l’accueil d’une famille avec des enfants chez des Pachtounes).

4. Les incapacités et les dépendances déterminent des catégories distinctes d’humains
La reconnaissance de différentes catégories d’humains incapables, selon une différence de degré de capacité ou une nature d’incapacité, individualise des statuts sociaux qui, s’ils sont réglementés, sont aussi le plus souvent associés à une inégalité morale. On peut distinguer trois types d’incapacités : – les incapacités naturelles, communes à tous les humains, celles de l’enfant, – les incapacités sociales, qu’elles soient liées à des croyances, entérinées par la religion, la « coutume », voire encadrées par la loi et qui limitent le statut moral de ceux envers qui ces incapacités sont alléguées, celles de la femme, celles de l’esclave, – enfin les incapacités pathologiques quelle qu’en soit la nature. Selon que l’on appartient à telle ou telle catégorie d’incapable, on est plus ou moins investit des qualités caractéristiques, spécifiques, constitutives, de l’être humain. Si tel est le cas, ces catégories d’incapacités définissent des inégalités entre les humains. Ces inégalités sont-elles exclusives de l’appartenance à l’humain à part entière, définissent-elles des sous catégories d’êtres humains qui seraient par voie de conséquence des humains partiels ou inférieurs, qui n’ayant pas les mêmes capacités, n’auraient pas les mêmes droits d’être humain. Autrement-dit, les inégalités entre les hommes déterminent-elles des degrés d’humains, des sous-hommes, des sur-hommes, des humains partiels ?
Les notions d’être né de parents humains, d’avoir une conscience de soi, d’être autonome, d’être doué de parole, de faire preuve de sa capacité de penser librement, de posséder les qualités qui différencient l’homme des autres animaux, qui caractérisent l’espèce humaine, sont-elles nécessaires et sont-elles suffisantes à être reconnu comme un être humain ?
Parmi les incapacités pathologiques certaines sont congénitales, d’autres sont acquises et peuvent être progressives. Ces incapacités acquises ou progressives vont entraîner un changement de statut de celui qui en est atteint. La question se pose alors de savoir si cette incapacité qui survient chez un être humain lui fait perdre son statut d’humain, autrement dit s’il reste pleinement humain ou s’il perd une partie de son statut. Si cette perte partielle ou totale d’humanité est vraie, la question est de savoir à partir de quand perd-on le statut d’humain, et partant si on peut être ou devenir un être partiellement humain.
En particulier, lorsqu’un humain n’a pas ou perd certaines des capacités dites supérieures, le langage, la communication, les capacités relationnelles, la raison, l’intellect, qu’il est reconnu comme incapable et que cette incapacité est assortie d’une dépendance, il n’est peut-être plus totalement humain. Cette perte de qualités caractéristiques du genre humain, amène l’homme qui en est victime, à un statut dégradé. Cet homme de statut dégradé est-il un être humain dégradé, un sous-homme, ou n’est-il pas plutôt une être humain dans sa pleine et entière nature humaine, d’être imparfait, fragile, interdépendant.
L’homme est un être social, il n’est en rien un être isolé, il n’existe qu’en interaction avec les humains de son environnement tant pour sa survie physique que pour son existence en tant qu’être humain. Ses fonctions supérieures ne se développent, ne s’expriment et ne se maintiennent qu’au contact d’un milieu d’humains avec lequel il entretient des relations sociales. C’est de cette

compétence à entretenir des relations sociales avec autrui que se manifestent les capacités de l’être humain à avoir une place parmi les humains. Cette place d’humain parmi les humains ne nécessite pas d’être une place au soleil ni d’avoir un statut particulier, mais d’être en lien avec ses pairs humains, indépendamment du statut social et des capacités supérieures de chacun. C’est aussi de cette façon que l’être reste humain tant que certains de ses pairs, non par statut social mais par parité humaine, et au travers d’une certaine fraternité humaine, maintiennent des liens avec celui d’entre eux qui perd ses capacités.

5. Quand devient-on humain à part entière ?
La possibilité de régulation des naissances, individuelles par la contraception, l’avortement et parfois l’infanticide, ou collective par le contrôle réglementaire ou religieux des droits à la procréation, au-delà de la question de la liberté individuelle, du droit des femmes à disposer de leur corps, ou de celle de la survie de l’espèce, ou d’un peuple, renvoie à la question du statut d’humain de l’embryon, du fœtus, du nouveau-né. La question philosophique n’est pas seulement celle de l’éthique de tuer un être humain ou un potentiel être humain (McMaham). Elle est aussi de comprendre comment un œuf fécondé devient un être humain, quand la biologie du vivant acquiert un développement permettant d’y reconnaître l’être humain. Elle est encore de se confronter au spectre d’un eugénisme médical légal dissimulé dans un dépistage prénatal qui conduit quasi systématiquement à une interruption de la grossesse.
Sur cette question, on ne peut s’abstenir d’inclure dans la réflexion les retombées des extraordinaires avancées de la loi (loi Veil en France) et de la technique médicale, tant dans la pratique des avortements que dans la qualité du dépistage, par la génétique ou l’imagerie, de certaines incapacités du futur enfant ou du futur adulte. Ces avancées ont conduit à une évolution considérable de la façon dont on pense le statut de l’être humain, et des connaissances sociologiques (Boltanski). On ne peut non plus se dispenser d’intégrer les connaissances récentes acquises par les anthropologues et les spécialistes des mythologies (Witzel).
Ces approches posent aussi la question de l’identité humaine qui n’est pas uniquement celle d’un individu, mais aussi celle des interactions interhumaines et de leur caractère constitutif de l’être humain par la reconnaissance du statut d’être humain par la collectivité dans laquelle on évolue. Il peut s’agir de la reconnaissance par la mère, par l’État civil, par l’Église, par la société, de membre de la communauté. Cette reconnaissance pose la question inverse de la perte de ce statut en cas d’apparition d’une incapacité liée à une pathologie ou à la mise au ban de la société (esclavage, bannissement volontaire, ou par désocialisation ou par condamnation)
Les situations particulières de l’enfant déficient intellectuel qui sert de traducteur à ses parents normaux mais étrangers, ou de l’enfant normal dont les parents sont déficients intellectuels ou sociaux et de fait incapables d’assurer la charge de leur enfant, éclairent sur la part de l’adulte qui est déjà présente chez l’enfant. La façon dont la société pallie ces carences traduit la responsabilité que les sociétés humaines se reconnaissent vis-à-vis de l’enfant dont la situation familiale est non conforme à la norme sociale. Les différents modèles sociaux n’apportent pas la même réponse au statut de l’enfant. Par exemple, la répartition des rôles à chaque membre de la famille de gens du voyage est un modèle de l’humain et de la pensée collective associant dépendance mutuelle et confiance réciproque, solidarité et fraternité.
A travers les textes du code Napoléon, de l’évolution du droit international et du droit comparé au sujet de l’enfant on comprend que les législateurs cherchent à protéger certains enfants d’un statut d’humanité partielle dont le fonctionnement des institutions fait parfois usage, à son corps défendant ou sciemment (Mary Douglas).
Les rituels initiatiques de passage à l’âge adulte dans de nombreuses sociétés, y compris les plus élaborées (C Fleury, B Cyrulnik) témoignent de la nécessité de reconnaître à chacun son appartenance pleine et entière à la communauté. Cette reconnaissance peut-elle être accordée à chacun ou s’il agit de la sélection d’une élite, où relègue-t-elle les non élus ? Comment sont accueillis ou intégrés ceux qui n’ont pas la même culture, la même origine, les mêmes capacités ?

6. De l’incapacité à la responsabilité et à la décision pour autrui.
L’enfant, être vulnérable, est naturellement sous la responsabilité de l’autorité parentale. La place de l’enfant dans sa famille est naturelle et les éléments qui garantissent son intérêt supérieur (soins, éducation, amour) sont assurés par ceux-là même qui l’aiment et l’entourent. Ce sont ces derniers qui prennent les décisions importantes pour lui. La Loi et la Société s’assurent qu’ils se conforment à la loi et exercent un contrôle si et seulement si certaines obligations ne sont pas remplies : soins, scolarisation, sécurité. En cas de carence des parents, de quelle que nature qu’elle soit, la justice et la société prennent le relais assurant la charge et la responsabilité de l’enfant.
L’incapacité naturelle de l’enfant, ou de toute autre nature, a pour corollaire le fait que les décisions sont prises par d’autres que lui. Lorsque ces décisions concernent des choix de vie, ou des décisions de fin de vie, par exemple en cas de handicap et de déficit intellectuel graves, pendant la vie fœtale, à la naissance ou plus tard, il peut apparaître un conflit entre l’intérêt supérieur de l’enfant et l’intérêt de ses parents. Il peut aussi apparaître un conflit, parfois plus pernicieux, avec l’intérêt réel ou supposé de la société. Dans ce cas les gardes fous du cadre légal, de l’éthique professionnelle sont parfois difficiles à assumer. Dans ce contexte, surgit la réalité du rôle de la reconnaissance par la société du statut d’être humain. La loi et les règlements ne sont jamais parfaits et les failles liées aux situations de la vie non prévues par les textes, mais cruellement réelles, font reposer sur des particuliers détenteurs d’un statut de parent et de professionnels de s’accorder sur une décision de vie ou de mort.
Interviennent alors des estimations de la qualité de vie présente et future de l’enfant. Mais l’estimation des parents et celle des professionnelles ne sont pas toujours concordantes. La valeur d’une telle vie n’est pas toujours évaluée à la même hauteur. On peut admettre qu’une personne humaine en pleine possession de ses moyens, ayant les capacités de raison et de conscience de soi, puisse estimer sa qualité de vie, les soins qu’il considère déraisonnables, le degré de sédation qu’il souhaite au moment de mourir. Elle évalue, elle décide pour elle-même. Mais qu’en est-il de l’enfant, ou du handicapé qui ne peut évaluer ni décider pour lui-même ? La décision revient à autrui. La responsabilité pour autrui de Lévinas se concrétise régulièrement dans le contexte du dépistage prénatal, de la réanimation, du polyhandicap où l’expérience de l’approche du visage d’autrui est une épreuve éthique majeure. Elle repose sur ce qu’autrui juge comme une vie bonne au sens de Judith Butler, pour l’incapable.
Décider pour ou à la place d’autrui quand la responsabilité pour autrui consiste à se substituer à autrui. Décider pour son plus grand bien, pour son plus grand intérêt. Qui peut, doit, a le droit de décider à la place d’autrui ? Comment peut ont prendre de telle décision quand on est parent ?
L’enfant ou toute personne à la place de qui on décide, devient un tiers exclu de la prise de décision dont il est le sujet. Peut-il toutefois être partie prenante de la décision qui le concerne. Quelle différence cela ferait-il ? Les motivations de la décision, sa qualité, sa recevabilité par l’enfant, l’adhésion de l’enfant à la décision qui le concerne, sont des concepts qu’il faut analyser.

7. L’empathie et la responsabilité pour autrui sont-elles des faiblesses
Dans le monde actuel, la volonté et l’autonomie sont des caractéristiques majeures de l’être humain, de l’homme libre, de l’homme rationnel. La responsabilité pour autrui, cette assignation à responsabilité, qui s’impose sans qu’on puisse se récuser, est à la fois une responsabilité pour ce qui arrive à autrui et la responsabilité pour celui qui est démuni. Cette philosophie première de Levinas, nous lie au sort de l’incapable, dont on est responsable du simple fait que nous savons qu’il a besoin d’être aidé. Cette obligation est inconditionnelle pour Simone Weil et est due à tout être humain pour ses besoins vitaux, essentiels. La justification de ce devoir ne peut cependant être justifiée que par une obligation morale de respect de l’être humain dont la destinée est éternelle (Weil).
L’empathie est une fonction cérébrale développée chez l’être humain et sélectionnée au cours de l’évolution des espèces (Decety). Ceci revient à dire que l’empathie est une caractéristique propre à l’être humain et indispensable à la survie de l’espèce. Elle rend plus efficace la vie sociale de l’homme en lui conservant l’autonomie de sa volonté et sa liberté individuelle de penser, dont le

maintien est possible grâce à cette empathie physiologique et indispensable à l’homme.
La contradiction n’est donc qu’apparente entre la nécessaire empathie et la responsabilité pour autrui qui s’ensuit, et la noblesse de la raison et des possibilités d’améliorer sa qualité de vie par diverses productions de la pensée. L’empathie et l’attention aux autres n’est ni une idéologie rédemptrice, morale ou religieuse, ni une entrave encombrante à l’épanouissement de l’individu libre et autonome. L’être humain n’est libre et autonome que du fait qu’il appartient à une espèce immature, non finie, conférant à chacun une multipotence d’autonomie et de liberté lui permettant de se développer selon ses orientations et ses choix propres.
Cette immaturité et cette obligation de se créer soi-même (Pic de la Mirandole) n’ont de pertinence que dans une vie sociale qui est indispensable au développement jusqu’à l’âge adulte mais aussi au maintien de la faculté de penser et de conserver une souplesse d’adaptation, car elles maintiennent à l’homme son statut d’être humain, tout au long de sa vie et lui permettent de bénéficier des acquis des hommes qui l’on précédés pour se développer à partir d’un socle humain, la culture, sans que chaque nouveau-né soit contraint à repartir de zéro.
Ces éléments ont des supports biologiques, physiologiques. La physiologie de l’empathie, de la mémoire, de la spécialisation de certaines aires corticales en fonction de la stimulation qu’elles reçoivent, pour certaines jusqu’à un certain de degré de maturation est bien connue. De plus, la plasticité neuronale ou synaptique permet continuellement à l’être humain de continuer de progresser et de s’adapter à son environnement sans être tributaire de la seule sélection naturelle qui est aléatoire et invisible à l’échelle de la durée de la vie humaine.

8. Égalité et fraternité sont l’humain
Les croyances et religions sont le produit de la pensée humaine, fédératrices entre les hommes. Ces modes de pensée ne sont pas gouvernées par la raison et sont parfois qualifiées aujourd’hui de dogmatiques ou idéologiques. Elles sont parfois considérées comme une tentative archaïque d’expliquer le monde, qui ont pu être raisonnable lorsqu’elles ont été imaginées en rapport avec le niveau de connaissance et de culture de ceux qui les ont pensées. Il en sera sans doute de même pour les pensées les plus élaborées que nous connaissons actuellement et leurs démonstrations qui s’appuient sur des bases que nous qualifions aujourd’hui de scientifiques. Elles seront alors, comme les précédentes, reléguées au rang d’idéologie ou simplement oubliées dans l’avenir quand l’évolution de la pensée humaine sera plus avancée. En ce sens on peut s’aventurer à penser que parfois la raison n’est pas la caractéristique principale qui définit l’espèce humaine.
Les contraintes de la vie en collectivité, sont-elles une entrave à cette liberté de se construire qui est propre à l’homme. La vie collective est-elle la seule façon de permettre à l’homme d’avoir les moyens d’être libre de se construire. Ces moyens comportent plusieurs niveaux. L’éducation qu’on reçoit de ses parents, des règles de la vie communes formalisées par la collectivité dans laquelle on évolue, et les interactions constantes avec ses congénères.
Si la survie de la collectivité passe par la solidarité des membres du groupe, cette solidarité signifie-t-elle une égalité de ses membres, quelles que soient les capacités de chacun au long de sa vie, ou plus exactement quel que soit le niveau de dépendance de chacun par rapport au groupe ? Si cette dépendance est inhérente à la liberté humaine, à la conscience de soi, cette dépendance n’est ni une dette, ni une infériorité. Elle est commune à tout être humain, tant par rapport à sa raison, à son autonomie, à sa liberté. Cette dépendance a pour corollaire la fraternité, au sens républicain du terme.
Ces contraintes que l’on accepte volontiers pour ses propres enfants, ou les enfants en général, sont cependant parfois rejetées par certains qui estiment que la solidarité à des limites, voire que ces contraintes ne sont plus acceptables lorsqu’elles sont trop lourdes pour eux-mêmes, ou pour la collectivité, en raison de leur impact sur la famille, sur la société, ou en fonction de leur utilité pour l’enfant, pour la société. Si la vie humaine est fraternité, celle-ci signifie-t-elle égalité ? Y a-t-il des limites à la fraternité ? Peut-il y avoir fraternité sans égalité ?
Si on admet avec Decety que l’empathie est une caractéristique spécifique de l’être humain,
qu’elle le distingue des autres animaux, qu’elle est une capacité majeure pour permettre à l’être

humain de bénéficier de la solidarité de la communauté, et, partant, de ses capacités personnelles de
raison et d’intellect, l’homme ne peut plus être pensé comme un être avant tout rationnel (Witzel).

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