Séminaire “Créoliser l’inconscient”, organisé par Frédéric Baitinger, philosophe et psychanalyste.
Avec Loreline Courret et Quentin Mur.
“On a l’inconscient qu’on mérite ! Et je dois avouer que celui des psychanalystes structuralistes me convient encore moins que celui des freudiens, des jungiens, des reichiens ! L’inconscient je le verrais plutôt comme quelque chose qui trainerait un peu partout autour de nous, aussi bien dans les gestes, les objets quotidiens, qu’à la télé, dans l’air du temps, et même surtout, dans les grands problèmes de l’heure. (Je pense, par exemple, à cette question du “choix de société” qui refait invariablement surface lors de chaque campagne électorale.) Donc un inconscient travaillant aussi bien à l’intérieur des individus, dans leur façon de percevoir le monde, de vivre leur corps, leur territoire, leur sexe, qu’à l’intérieur du couple, de la famille, de l’école, du quartier, des usines, des stades, des universités… Autrement dit pas un inconscient de spécialiste de l’inconscient, pas un inconscient cristallisé dans le passé, mais au contraire, tourné vers l’avenir, un inconscient dont le trame ne serait autre que le possible lui-même, le possible à fleur de langage, mais aussi le possible à fleur de peau, à fleur de socius, à fleur de cosmos…” Félix Guattari, L’inconscient machinique.
Dans cette deuxième séance, nous proposons de présenter plus en détails les racines guattaro-deleuzienne de la pensée glissantienne en revenant, d’abord, sur la manière dont se sont rencontrés Gilles Deleuze et Félix Guattari et, plus particulièrement, sur ce qui conduisit ces deux hommes, qu’à priori rien ne destinait à travailler ensemble, à former l’un des couples philosophiques les plus détonnant qui soit ; couple qui auraient pu faire de la définition glissantienne de la créolisation “je change, par échanger avec l’autre, sans me perdre pourtant ou me dénaturer” la devise même de la compagnonnage. Cette ouverture théorético-biographique conduit ensuite à présenter la double tâche que Deleuze et Guattari se sont donnés dans L’anti-Oedipe : produire une critique du familialisme oedipien qui enclos la définition de l’inconscient psychanalytique dans les coordonnées de la société bourgeoise et patriarcale blanche ; et proposer, ensuite, une nouvelle définition de l’inconscient qui puisse être mobilisée contre le capitalisme et ses modes de représentations et de globalisation. Ce faisant, il s’agira d’éclairer d’un jour nouveaux les enjeux que pose la mondialisation dès l’instant qu’on ne la voit plus seulement comme un processus d’expansion du modèle capitaliste à l’ensemble du monde, mais comme un processus de subjectivitation qui s’est progressivement répandu sur l’ensemble du monde civilisé, et qui maintenant met en péril le système terre lui-même.
Avec les interventions de :
Loreline Courret – Les formations littéraires de l’inconscient: Deleuze, Guattari, Glissant.
Loreline Courret est docteure en philosophie de l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis. Elle conduit ses recherches au sein du Laboratoire d’études et de recherches sur les Logiques Contemporaines de la Philosophie en esthétique contemporaine, notamment sur les rapports de la clinique et de l’écriture littéraire. Elle travaille actuellement à une version publiée de sa thèse “Quantifier l’écriture : recherche sur l’anthropologie littéraire de Gilles Deleuze et de Félix Guattari”.
Quentin Mur – Forclusion et Machine(s) de l’inconscient racial.
Quentin Mur est philosophe et traducteur de sciences humaines et sociales (Elizabeth Povinelli, Julio Cortazar, Nick Land…). Il vient de rendre une thèse intitulée “Signes, Territoires, Subjectivités : Une nomosophia” à l’Université Paris 8 sous la direction de Guillaume Sibertin-Blanc et de Patrice Maniglier. Ses travaux portent aux croisements de la philosophie, la psychanalyse, l’économie politique, l’anthropologie, la littérature et le cinéma. Actuellement en préparation d’un post-doctorat, ses dernières recherches se concentrent sur les effets post-coloniaux des pratiques perceptives cinématographiques et leurs effets politiques et cognitifs.