par Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste, professeure du Cnam, chaire Humanités et santé, et Antoine Fenoglio, designer et co-fondateur des Sismo.
En guise d’introduction au séminaire, et pour cerner dès le départ la notion de « Design with care », nous tenterons de répondre aux questions suivantes: Quel est le sens de notre pari de relier philosophie et design sous l’angle du care ? Dans quelle continuité historiographique pouvons-nous nous inscrire ? En quoi les enjeux inhérents à l’époque contemporaine exigent une approche englobante du care (par-delà les secteurs traditionnellement associés, comme la santé ou le social) ? Comment faire pour que notre réflexion ne soit pas seulement analytique mais aussi opérante et « actionnable » ? Quel chemin empruntons-nous pour y arriver (plan du séminaire) et suivant quels principes (méthode et partis pris) ?
Ce qui rapproche design et philosophie, c’est d’une part l’ambition de rendre le monde plus habitable, en s’appuyant sur l’efficacité des approches qui partent du terrain et de l’expérience des individus, et d’autre part la capacité à s’extraire parfois du discours rationnel pour mettre en forme et en mots ce qui est émergent, paradoxal, ambivalent mais bien réel ou en devenir.
Telle est en tous cas la conviction commune qui a motivé Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste et Antoine Fenoglio, co-fondateur de l’agence de design les Sismo à créer le séminaire « Design with care », qui se veut une plateforme de dialogue et de dialectique pour traiter des notions de soin, d’habitabilité, d’éthique et de vulnérabilité sous le double prisme du design et de la philosophie.
Cette conviction audacieuse s’accompagne néanmoins du constat lucide que le design a alimenté depuis ses débuts et continue largement d’alimenter les pratiques de la vente et du marketing, se réduisant trop souvent à un instrument au service de l’industrialisation et de la consommation de masse.
Loin de fustiger tout contact du designer avec le monde marchand, et donc aussi avec les réalités économiques de son époque, il s’agira dans ce cours introductif de se demander quelles sont les formes de résistance possibles à une vassalisation complète du designer à la logique marchande. Pour cela, nous nous intéresserons aux designers qui au cours des siècles derniers ont incarné et parfois théorisé de telles formes de résistance (William Morris, les membres du Bauhaus, Victor Papanek…). Nous explorerons aussi les corpus philosophiques (Paul Ricoeur, Emmanuel Levinas, Hannah Arendt, Joan Tronto…) dans lesquels, le designer soucieux d’interroger les enjeux et impacts de son activité, saura trouver matière à imaginer une relation avec son environnement qui soit plus responsable, plus respectueuse et plus attentive aux diverses formes de vulnérabilité, à commencer par celle de ses propres productions