Instrument de la régulation, le design est à la fois un outil au service de la régulation sociale mais également un vecteur de dénonciation et de critique de cette dernière.
Les grandes dates de la naissance du design sous l’angle de la régulation démocratique – (Florence, Quattrocento (XVe s.),Londres, 1851 (Exposition universelle),Royaume-Uni, fin du XIXe siècle) – donnent chacune la perspective d’un type de régulation spécifique.
La société contemporaine nous amène à solliciter une quatrième référence majeure. Cette référence c’est le panoptique des frères Bentham, avec une attention extrême portée aux usages et à la force du dessein visant à faire système et à se déployer. Le design s’est mis au service du capitalisme, du bio-pouvoir (Foucault) et de la société disciplinaire (contraintes sur les corps, design de lieux clos…) avec un design des usages qui aide à faire discipline. Mais le passage à une société de contrôle (Deleuze) impose aujourd’hui l’émergence de nouveaux modes de régulations. Comment le design peut-il nous aider à penser de nouveaux modes de régulation collective ?
En remplaçant la société disciplinaire par la société de contrôle nous passons « du mot d’ordre au mot de passe » (Deleuze, Derrida). Comment, dans cette grande nébuleuse, poser des points d’appuis capables de faire mouvoir le système ? Cette transformation sans égale implique le passage à une société réglée par les chiffres, où le contrôle est à court terme et en rotation, rapide, mais aussi continu et illimité.
« Il n’y a pas lieu de craindre ou d’espérer mais de chercher de nouvelles armes” (Deleuze).
Pour participer à la régulation du système, le design fait face à plusieurs enjeux : réparer ce qui s’endommage (l’avant), transiter d’un système à l’autre (le maintenant) et créer de la régulation dans un nouveau système (l’après). Les risques aujourd’hui sont connus : sentiment d’impuissance individuelle et collective, épuisement dû à l’innovation intensive, à l’injonction du mouvement permanent, incapacité à intégrer, en plus, la problématique climatique… Le design perd ainsi de sa puissance de représentation en situation d’environnement complexe et il nous faut, d’un seul tenant changer de mode de représentation, de méthode et d’imaginaire.
Comment construire de nouveaux imaginaires ? En favorisant la fiction (créer de nouvelles fictions régulatrices), en intégrant les milieux naturels à la réflexion (non pas mimer la nature, mais suivre, s’adapter au milieu…), grâce à l’expérimentation directe (Proof of concept et Proof of Care©) qui fait émerger de nouveaux modes de régulation collective.
A travers de nombreux textes, projets et expérimentations cette introduction nous propose ainsi de mettre en lumière le rôle du design dans la régulation démocratique et d’explorer de nouvelles pistes de régulations centrées sur « le prendre soin » et la résilience