Année 2018/2019Séminaires de Sainte-Anne 2

Origines de la notion

Cynthia Fleury revient ici sur les origines du psychotraumatisme, pathologie décrite pour la première fois à la fin du XIXe siècle, à la suite d’accidents fréquents de train ou de travail. La première hypothèse portant sur le psychotraumatisme était celle d’une lésion nerveuse engendrée par un choc ; cependant, le constat de troubles, même en cas d’absence d’atteinte physique, a permis de reconnaître une composante émotionnelle essentielle au traumatisme. S’est alors opérée une scission entre, d’une part, la croyance en des psychotraumatismes imputables à des névroses préexistantes ; et d’autre part, une pensée du traumatisme comme pathologie entièrement imputable à l’évènement traumatique. Oppenheim parle ainsi de « troubles du système nerveux provoqués par des blessures qui ne relèvent pas d’une atteinte directe des organes nerveux centraux ni de l’appareil nerveux périphérique, mais qui sont engendrés par des traumatismes, au sens large du terme ».

Le traumatisme : une effraction dans la psyché

Louis Crocq définit plus tard le traumatisme comme un « phénomène d’effraction du psychisme et de débordement de ses défenses par les excitations violentes afférentes à la survenue d’un événement agressant ou menaçant pour la vie ou pour l’intégrité d’un individu ». Le sujet ne parviendrait pas à métaboliser l’expérience traumatique reviviscente, auto-perçue comme un corps étranger dans la psyché. Les thérapies à stratégies multimodales semblent alors en être les traitements les plus efficaces : le psychotraumatisme, bio-psycho-social, requiert en effet un soin adéquat pour chacune de ses composantes. Fleury évoque également l’irréversibilité, qu’il faut prendre en compte comme composante majeure du trauma : citant Canguilhem, elle rappelle ainsi la nécessité d’inventer d’une forme de vie radicalement nouvelle, à partir de ce donné temporel — tenant compte à la fois du trauma et de son caractère irréversible.

Les « besoins du moi »

À partir des réflexions de Roussillon, mais aussi des pensées de Winnicott et d’Anzieu, Fleury propose de penser les « besoins du moi » comme autant de conditions intra et intersubjectives requises pour traiter le traumatisme. Le premier niveau de ces besoins est une « fonction phorique » permettant la cohésion de la vie psychique du sujet, accueillie, portée et stimulée par des dispositifs matériels et humains. Le second est un niveau dit « sémaphorique », assurant la reconnaissance ducaractère signifiant et symbolique de toute activité humaine. Enfin, le troisième niveau porte sur la « fonction métaphorique », elle-même productrice de sens : il s’agit ici de la fonction proprement symbolisante, permettant la production de repères subjectifs. Pour Roussillon, c’est précisément cette capacité à faire sens qui rendrait possible l’acquisition d’une capacité de résilience au traumatisme psychique.

La désillusion : une forme paradoxale d’adhésion au monde

Dans « Expérience et pauvreté », Benjamin pense l’expérience de la seconde guerre mondiale comme celle après laquelle rien ne fait plus expérience — c’est pourquoi Lacan parle de psychotroumatisme : « ça fait trou ». Il propose alors de partir de ce constat — celui de l’expérience appauvrie — pour construire, malgré tout et avec presque rien : se cherchant des tuteurs en résilience, spécialistes de la table rase — Descartes, Klee, Newton… — il pense la résilience par l’abandon des attentes et des préconceptions normalisantes sur ce que devrait être une expérience véritable, afin de reconnaître une forme de dignité au sein de toute expérience vécue. Fleury conclut son intervention en rappelant que l’essentiel de la cure ne réside pas dans la réparation, mais avant tout, dans la création. C’est précisément la puissance créatrice qui est mise à mal dans l’expérience traumatique : il s’agit alors pour le sujet de reprendre confiance en ses propres capacités, mais aussi en la capacité des autres et du monde à rendre possible émergence et évènement