Alexandre Pennaneac’h, en posant un regard critique sur sa pratique professionnelle, cherche ici à comprendre comment le design de service peut interagir avec le monde de l’industrie. Dans son intervention, il aborde trois dimensions du design de service : soigner la ville (il a travaillé auprès de collectivités pendant une dizaine d’années sur des sujets qui portent à questionner la démocratie) ; soigner l’humain (en tant que le design place souvent l’utilisateur au centre de sa réflexion) ; soigner l’avenir (sous la forme d’une éditorialisation du travail : des structures thématisées sont alors capables d’organiser un récit autour de leur activité).
Soigner la ville
La rue de la République du Design est un projet mis en place lors de la biennale de Saint Etienne en 2017. Après un appel à projet, des dispositifs tels qu’un supermarché coopératif, une agence en communication, ou encore un laboratoire du care ont été sélectionnés. Pendant cinq semaines, l’exploitation des différents projets a engendré 26 000 entrées, répertoriées en mars. Cette expérimentation a donné lieu à quelques constats : les objectifs des habitants et des personnes à l’oeuvre dans le cadre de ce projet n’étaient pas nécessairement les mêmes. Ce décalage a nécessité un geste d’explicitation du projet aux habitants, une dimension relationnelle supplémentaire, imprévue au départ. Par ailleurs, il a fallu penser une manière de pérenniser ce projet aux allures d’installation. Pennaneac’h illustre la première partie de son propos par deux autres projets, que sont le projet “Unicité, Concertation Publique augmentée”, initié par le Grand Lyon, ainsi que le Projet “Vox” initié dans la ville de Grenoble, par la Cité du design et Les labos.
Soigner l’humain : design et progrès social
Pennaneac’h présente également le projet “Alimentation et culture hospitalière” mené au CHU de St Etienne par la Cité du design, autour de la communication sur l’alimentation à l’hôpital. Si l’hôpital de St Etienne dispose d’une cuisine centrale, mais aussi d’aliments bios ou d’un compost, les patients l’ignorent et infèrent négativement à ce sujet. Le plateau repas a été utilisé comme support par les designers pour relayer ces informations. L’enquête de terrain a également porté sur la façon dont la cadence du régime institutionnel est parfois inadapté au métabolisme des sujets : les designers ont donc croisé cette problématique avec la dimension sociale du repas, mettant à disposition un garde manger collectif dans le couloir. Enfin, ils ont abordé la question de la valorisation des fonctionnalités complémentaires à celles qui caractérisent les métiers du soin, qu’il s’agissait pour eux de rendre visibles. Dans cette seconde partie de son intervention, Pennaneac’h traite également du projet “Interpré-tables”, mise en place entre Challenge IA, Erasme, DSHE et le Grand Lyon.
Soigner l’avenir
Dans la dernière partie de son intervention, Pennaneac’h restitue l’expérience Larry’s Cosmic commune, réalisée par l’artiste Jerszy Seymour dans le cadre de la Biennale du design, en 2017. Cette expérience, ponctuée d’actes performatifs artistiques, a été un lieu d’expérimentation de formes démocratiques nouvelles. A la croisée des formes fictionnelles et radicales du design, l’expérience imposait des défis aux usagers en contrepartie d’une mise à disposition de l’espace, dans un esprit proche de celui du squat. Pennaneac’h remarque que cette expérience a été regardée de loin et avec amusement comme une installation assez peu légitime – son inauguration politique a ainsi été faite le dernier jour de la biennale. Dans cette dernière partie de son intervention, Pennaneac’h illustre également son propos par les projets TramFret à Saint-Etienne et B.A.T, développé conjointement par Mirage, Erasme et Tubà.
En guise de conclusion, Pennaneac’h propose quelques recommandations, parmi lesquelles : pratiquer un militantisme en veillant à ne pas se nourrir d’illusions, créer des communs et du contenu libre, privilégier une réflexion concomitante à l’action – non seulement en amont et en aval de celle-ci, et assurer l’ancrage opérationnel avant la mise en oeuvre du projet tout en évitant les contraintes – notamment d’ordre institutionnel