La bioéthique est une notion parfois difficile à aborder et qui peut malheureusement sembler floue. S’y intéresser nécessite la mobilisation d’éléments scientifiques, historiques, juridiques mais aussi politiques. Le dynamisme de la matière vient en outre du fait que des techniques apparaissent et que les éthiques, les mœurs évoluent.
Une éthique désigne un ensemble de principes qui permettent de justifier des choix quand plusieurs possibilités se présentent, c’est une modalité inévitable de la décision, la plupart du temps implicite. En tout premier lieu, la bioéthique désigne alors les problèmes éthiques soulevés par les techniques biomédicales, car le développement de ces dernières nous oblige à nous représenter de façon explicite les cultures sous-jacentes aux éthiques que nous mobilisons, à les confronter puis décider. Dans le fond, il s’agit d’évoquer notre vision « des dimensions ultimes de la vie humaine », de dire d’après quelles valeurs nos faisons ces choix.
On peut prendre deux exemples très éloignés, la fécondation in vitro, ou l’éradication d’une espèce animale pour éviter des maladies, mais elles n’en renvoient pas moins à des « doctrines compréhensives de la vie », des ensembles symboliques qui varient d’un individu à l’autre et qui soutiennent des choses non moins essentielles que nos conceptions des interactions entre les hommes et les femmes, les enfants et leurs parents, le lien entre la vie et la mort, ou encore celui entre les hommes et les animaux…
Un des socles de la bioéthique est le Rapport Belmont de 1978. Il pose trois grands principes : celui d’autonomie de la personne avec laquelle on fait de la recherche médicale, celui de bienfaisance, et celui de justice. Il y a d’ailleurs une immense place pour la justice dans la bioéthique – « qui doit recueillir les avantages de la recherche et qui doit en porter le fardeau » ? – et réciproquement, comme avec la question du corps. En droit français, le corps humain n’est pas une propriété, pas un bien marchand et ses produits non plus ; organes, sang, gamètes : seul le don est envisageable. La question de ce que l’on est libre de faire avec son corps se pose aussi pour des sujets récents ou anciens, et aux ressorts biens différents : prostitution, gestation pour autrui…
Mais, au-delà de cette organisation de la tolérance démocratique et de l’établissement d’une norme, le véritable objet de la bioéthique correspond aux contradictions entre les acteurs de la vie humaine dans la médecine elle-même, qui est une démarche éthique, celle de la lutte contre la souffrance et la mort. Aujourd’hui, il peut y avoir des contradictions à l’intérieur du soin et à l’intérieur des relations dans la médecine, par exemple quand le point de vue du médecin se heurte au refus du malade, sa liberté, son autonomie. Ainsi, la bioéthique ne consiste pas seulement à traiter les contradictions entre les éthiques, mais aussi à traiter les contradictions entre les êtres humains dans une même situation éthique.
Pierre Dubilly
Étudiant en Magistère de relations internationales
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Références bibliographiques :
Hirsch, Emmanuel. Traité de bioéthique. I – Fondements, principes, repères. ERES, 2010
Hottois, Gilbert. Qu’est-ce que la bioéthique ?Vrin, 2004