Séminaire “Santé mentale : regards de philosophes”, coordonée par Eva Liévain.
En partenariat avec le Lab Sorbonne Université.
La santé mentale occupe une place centrale dans la philosophie de Kant et traverse toute son œuvre, au point même de définir celle-ci comme une critique de la faculté de juger de travers. Loin du cliché selon lequel la philosophie des Lumières claironnerait le triomphe de la raison contre la superstition, Kant identifie au cœur même de la raison la puissance de délirer. Rien n’est plus naturel à notre faculté de raisonner que de déraisonner. D’abord, Kant dégage la solidarité entre ce qu’il appelle « les maladies de la tête » et les maux de la société. Ensuite, il n’aborde pas l’écart entre la santé mentale et les dérèglements de l’esprit comme un saut qualitatif mais comme une différence de degré, ce qui fait du pathologique un état plus ou moins normal. Enfin, s’il appartient au médecin de connaître et de soigner les effets du corps sur l’esprit, il revient au philosophe, selon lui, de penser, pour les réguler, les effets de l’esprit sur le corps. Dans cette triple perspective (sociale, quantitative et philosophique), nous étudierons la façon dont on peut, avec Kant, examiner les confins de la santé et des maladies mentales à partir de cette hypothèse que les troubles mentaux relèvent d’un problème d’orientation dans l’espace, dans son corps et dans sa tête, problème qui dépend, en dernière analyse, de notre sens du temps. Nous poserons le problème de l’articulation du temps interne et de l’espace externe : pourquoi le bon sens défaille-t-il là où le sens du temps déraille ?
Agrégé et docteur en philosophie, Guillaume Pigeard de Gurbert est professeur de khâgne à Limoges. Sa thèse s’intitulait « Le spectre du possible » a été soutenue en 2000, à Paris-I-Panthéon-Sorbonne. Parallèlement à son enseignement, il poursuit une recherche consacrée à la philosophie des Lumières et à Kant en particulier. Il a notamment coordonné le colloque “Qu’est-ce que les Lumières ?” (Oxford, 2003) et la publication des actes dans les Studies on Voltaire and the Eighteenth Century (Oxford, 2006). Il est l’auteur de plusieurs articles sur la philosophie kantienne et d’un livre Kant et le temps (Kimé, 2015). Il a par ailleurs publié une série d’essais philosophiques : Le spectre du possible (Kimé, 2016), Contre la philosophie (Actes Sud, 2010), Le Mouchoir de Desdémone (Actes Sud, 2001).