Sophie Sakka
Il est des remarques qui peuvent paraitre triviales mais dont on ne saurait faire l’économie : un robot est une machine dont la particularité est une capacité à interagir, voire à évoluer. Poser ceci permet d’aborder le sujet en gardant à l’esprit que l’origine des capacités et des caractéristiques des robots n’est autre que les hommes et les femmes qui les conçoivent à partir de travaux en mécanique, informatique, électronique et commande.
Ces machines ont pour but de se substituer à la réalisation de tâches quotidiennes, mais de façon personnalisée. Il peut s’agir de tondre une pelouse, nettoyer des vitres, préparer un repas, recevoir des invités, laver et étendre du linge… On parle souvent de « robots compagnons » mais leur absence d’intentionnalité montre la limite de l’adjectif. Ce sont d’abord des exécutants car construits et programmés comme tels, bien qu’ils puissent prendre des décisions et disposent de réelles capacités communicationnelles voire sociales, en particulier pour ceux ayant une forme humanoïde.
C’est particulièrement le cas dans le domaine du soin qui est un des premiers domaines d’application de la robotique, cela à destination des populations dites « seniors » ou celles souffrant d’un handicap. Ainsi, le but est que des robots puissent assumer une fonction de premier interlocuteur, constituer une sorte de soutien pour les personnes en situation d’insécurité. De façon plus opérationnelle, l’objectif est que ces robots puissent communiquer (pouvoir prévenir les secours, enregistrer une conversation pour la diffuser plus tard), rappeler des choses prévues (prise de médicament, activité, repas), mais aussi servir d’intermédiaire de soin en prenant des mesures via un bracelet, ou encore en aidant une personne à se relever – ou la portant.
Les difficultés dans le développement de tels robots portent sur différents aspects. Il y a par exemple des contraintes sécuritaires liées à la masse importante qu’est la leur et le déplacement de celle-ci, mais aussi qui du fait d’un possible piratage du robot donnant accès aux données qu’il contient ou le rendant incontrôlable. D’autre part, certaines interactions avec l’environnement peuvent être difficiles à paramétrer, comme l’ouverture d’un réfrigérateur qui nécessite un dosage de force dégressif, précis mais variable d’une fois à l’autre. De manière plus élémentaire, il est relativement facile pour un robot d’apporter un plateau, mais pas de le remplir. Au-delà de ces aspects techniques se pose aussi un ensemble de problèmes lié à la responsabilité en cas d’incident ou de litige : porte-t-elle sur le constructeur, le programmateur, l’utilisateur ? Et le dommage causé à une prothèse l’est-il (aussi) à la personne qui la porte ?
Enfin, des questions éthiques fondamentales se posent car, du rapide développement des robots et leur généralisation pourrait, sans atteindre « la fin du travail », découler des bouleversements dans les tâches à effectuer et leur réalisation. Et, l’une des premières choses constituant la description d’un individu étant aujourd’hui la fonction qu’il occupe dans la société, son travail, se trame derrière le problème de la contribution à la société des individus et de leur reconnaissance – par extension celle de la répartition des richesses produites. De plus, les tâches que chacun effectue sont aussi génératrices de lien sociétal : comment maintenir ce dernier si une partie de la charge disparait ? A nouveau, on observe que réfléchir à propos des robots nécessite de réfléchir au sujet de l’Homme.
Pierre Dubilly
Etudiant en Magistère de relations internationales
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne