Troisième séance du séminaire “Créoliser l’inconscient”,
Animé par Frédéric Baitinger, philosophe et psychanalyste.
Cette troisième séance opère un retour à Edouard Glissant en prenant pour fil conducteur la notion de créolité tel que le poète du Tout-Monde l’interroge dans son Discours antillais. Car avant d’être porteur d’un quelconque souffle poétique, le terme de créolité est d’abord un terme qui renvoie, pour Glissant, à un “état de morbidité générale” du peuple antillais, c’est-à-dire un état dans lequel toute une population semble souffrir de troubles psychiques et langagiers dans l’exacte mesure où cette population ne peut ni se référer à un passé commun, ni à une langue ou une culture qui en serait comme la trace actuelle et authentique. Morbidité que Glissant explore également dans ses premiers romans qui mettent en scène la question de la filiation, des origines. Dans le Case du commandeur, par exemple, ce que les personnages dits “fous” délirent, ce n’est pas tant le triangle oedipiens, que le trou béant de l’histoire de leur lignée qui leur a été volée, autrement dit le gouffre béant dans lequel leur filiation est venue se perdre. Et ce sera en vue de dépasser cet état de morbidité général que Glissant s’efforcera ensuite, dans toute la deuxième partie de son oeuvre, de replacer les Antilles dans la mer des Caraïbes, de manière à en faire une entité géoculturelle ainsi qu’une nouvelle matrice poétique pour une identité sans racine unique ; une identité rhizome qui permette de repenser les rapports entre l’Un et le multiplie, et par implication les rapports entre universel et particulier, attention donné aux détails et Tout-Monde.
Avec Livio Boni, philosophe, psychologue clinicien et psychanalyste, docteur en psychopathologie et psychanalyse de l’université Paris VII-Denis Diderot, il est également directeur de programme au Collège International de Philosophie. Ses travaux portent sur la géo-histoire de la psychanalyse et sur la ville comme champ psychique. Il est notamment l’auteur de L’Inde de la psychanalyse, de Freud et la question archéologique et, avec Guillaume Sibertin-Blanc, de La Ville inconsciente. Il est aussi l’auteur de nombreux articles au croisement de la psychanalyse, de la philosophie et de l’ethnographie.
Dans cette séance, il intervient sur “Comment la psychanalyse a-t-elle rencontré la question coloniale ? Jalon historiques et analytiques”.
Bibliographie :
Boni, Livio, Sophie Mendelsohn, La vie psychique du racisme. 1. L’empire du démenti. Paris, Edition La Découverte, 2021.
Boni, Livio, Guillaume Sibertin-Blanc, La ville inconsciente. Paris, Edition Herman, 2018.
Boni, Livio, Freud et la question de l’archéologie. Paris, Edition Campagne Prem, 2014.
Boni, Livio (dir), L’Inde de la psychanalyse, Le sous-continent de l’inconscient . Paris, Edition Campagne Prem, 2011.