En mai 2020, nous avons dénoncé des illégalités survenues dans l’établissement public de psychiatrie où nous exercions alors. D’après le Contrôle Général des Lieux de Privation de Libertés (CGLPL), « Ces privations de liberté injustifiées et illégales ont été mises en oeuvre dans des conditions indignes. » En cause, une confusion médico-administrative entre plusieurs registres d’isolements : « l’isolement » issu de la médecine infectieuse et l’isolement psychiatrique. Si, en tant que telle, la syndémie de covid-19 a été l’occasion de dérives graves sous prétexte d’état d’urgence sanitaire, ces dernières surgissent sur un fond propice à bafouer les droits des psychiatrisé(e)s.
Après un retour sur le contexte et le faits qui nous ont amené à saisir le CGLPL et le procureur de la République puis aux représailles institutionnelles qui s’en sont suivies à notre encontre, nous analyserons ce que ce moment révèle du rapport précaire voire clivé qu’entretient le monde de la psychiatrie aux libertés fondamentales et les pistes pour assoir l’accès au Droit et l’éthique dans les pratiques de soin.
Mathieu Bellahsen est psychiatre, auteur de “La santé mentale. Un bonheur sous contrôle” (La fabrique) et co-auteur de “La révolte de la psychiatrie” paru à la découverte. Il a dirigé un secteur de psychiatrie en banlieue parisienne pendant plusieurs années. Son expérience concrète articule l’analyse politique du néolibéralisme et de ses effets dans le champ de la “santé mentale” avec la nécessité de tenter des pratiques “altératrices” dans le quotidien du travail et des soins.