Année 2017/2018Introduction à la Philosophie à l’hôpital 3

La place des cas en bioéthique

La bioéthique est apparue comme réponse à l’impériosité de la création de principes, de règles intangibles pour la médecine, et ce à la vue des horreurs nazies perpétrées, des cas injustifiablement constitués, prétendument en vertu de la recherche médicale. Cette approche par le haut – top-down– est une réponse à l’urgence : toute éthique des cas doit d’abord être une éthique des principes ; une fois ces derniers posés, on doit réfléchir avec des situations particulières, des cas, des « évènements qui illustrent une règle mais qui ne s’y réduisent pas et peuvent conduire à la faire évoluer ».

Les principes généraux posent qu’aucune expérimentation, qu’aucun acte médical ne peut être mené sur un être humain sans son consentement, ou sans justification médicale majeure pour le légitimer. Au-delà, la matière se densifie du fait de la complication qui a eu lieu, avec le temps, du biologique et de l’éthique : les techniques médicales se sont démultipliées, les valeurs diversifiées.

Ainsi, en bioéthique, quelle doit être la place des cas particulier qui mettent constamment les règles antérieurement posées à l’épreuve, comme les vagues, sans cesse, montent à l’assaut des plus hautes falaises ? Quelles limites poser pour empêcher la chute dans la casuistique, décriée par Pascal, de ceux qui s’évertuaient à justifier des exceptions à la règle en arguant de la singularité d’un cas ? Quelle place pour cette tout aussi nécessaire approche par le bas – bottom-up ? Car les cas détiennent un potentiel juridique, de positivité, ils constituent une manufacture de la normativité tout comme la marée sculpte peu à peu des reliefs.

De plus, une situation concrète n’est jamais seulement l’illustration d’une règle mais la déborde – une partie de l’eau de la vague passe, revient en ruisselant ou croupit. Cela fait d’une situation relevant peut-être d’une règle, un cas : il va falloir la traiter au-delà de l’ordre général de la règle. Les principes s’avèrent même insuffisants lorsque, étant plusieurs à avoir droit de séance, ils se contredisent entre eux – exactement selon le principe du double-bindde l’école de Palo Alto.

L’étude des cas leur démontre trois dimensions principales. La première est clinique, du fait de la singularité du malade que l’on traite et de la violence que constituerait l’application seule d’une règle en fonction de la maladie diagnostiquée. La deuxième est narrative car un cas n’est rien sans le récit qu’en fait la personne et la description qu’en donne le médecin, et qu’un récit est parfois un vecteur pour faire comprendre un principe, une image déployée. La dernière dimension d’un cas est juridique du fait du potentiel conflit qui peut apparaitre du fait de l’antagonisme des décisions que l’on peut considérer, et du fait qu’un « cas » peut se transformer en « affaire ».

Pierre Dubilly
Étudiant en Magistère de relations internationales
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne