Année 2017/2018Séminaires de Sainte-Anne 1

Le fou dans l’histoire

Longtemps, le fou est resté dans une position en marge de la loi : des pratiques coutumières d’exclusion se sont ainsi développées avant que n’apparaisse une législation spécifique. La première législation, en 1810 (article 64 du Code pénal) stipule qu’il « n’y a ni crime ni délit lorsque le prévenu était en état de démence au moment de l’action ». Les aliénistes du 19eme siècle offrent alors au fou un statut de malade mental, le ré-intégrant dans la communauté des hommes. Mais parallèlement à cette nouvelle perception, s’est développée une nouvelle forme d’exclusion : à partir de 1838, l’institution psychiatrique s’est développée autour de la notion d’isolement. Depuis les années 90, les lois portant sur les patients en psychiatrie se concentrent davantage sur la liberté et le soin : en hospitalisation libre, la personne qui présente des troubles mentaux bénéficie des mêmes droits que les autres patients. Mais si le regard porté sur le patient a beaucoup évolué, il reste cependant ambivalent.

Contenir qui, ou quoi ? Qu’est-ce qu’un fou à lier ?

Alezrah pose la question de ce qui est à contenir chez un patient psychiatrique, de la maladie ou du délire, jusqu’au patient lui-même. Les mesures privatives de liberté dans le cadre des soins psychiatriques ont donné lieu à de multiples recommandations, notamment celle du Conseil de l’Europe (comité des ministres) en 2004, en son Article 8, selon lequel « les personnes atteintes de troubles mentaux devraient avoir le droit d’être soignées dans l’environnement le moins restrictif possible et de bénéficier du traitement disponible le moins restrictif possible ou impliquant la moindre intrusion, tout en tenant compte des exigences liées à leur santé et à la sécurité d’autrui ». En 2016, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a publié un rapport dans lequel il précise qu’« il doit être affirmé comme principe que ces pratiques ne peuvent être admises qu’en tout dernier recours ». Aux yeux du grand public, les soignants sont à la fois suspectés d’en faire trop, ou pas assez, en matière de protection des patients, mais aussi de la société. Pourtant, la proportion de crimes attribuable à des patients psychotiques dans la communauté reste très largement minoritaire, et Alezrah souligne que les patients sont eux-mêmes les premières victimes de violences.

Comment contenir ?

La contention, dans le Larousse Médical, est définie comme un « procédé thérapeutique permettant d’immobiliser un membre, de comprimer des tissus ou de protéger un malade agité ». Avec le développement de la psychopharmacologie, les traitements médicamenteux permettent généralement de contenir efficacement la plupart des troubles : on a pu parler de contention chimique. Concrètement, il peut s’agir d’une limitation physique matérialisée à travers différentes modalités, parfois combinées, allant de la contention manuelle, des sangles ou des vêtements, à l’isolement en chambre, au maintien en unité de soins fermée, ou encore à l’hospitalisation en Unité pour Malade Difficile. L’Article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique les concerne spécifiquement : « l’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours. (…) Leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin ». Des expériences montrent qu’il est possible de diminuer à la fois les incidents violents et le recours à l’isolement et à la contention, en s’engageant dans une politique de formation des équipes aux techniques de désescalade dans la durée. De plus, il importe, pour que la contention soit mieux vécue, que le patient soit accompagné d’un soignant durant toute la durée du processus.