De la contention involontaire au sujet se contenant : une démarche participative de recherche-action menée au GHU Paris psychiatrie et neurosciences
Depuis septembre 2020, la Chaire de Philosophie à l’Hôpital et le GHU Paris psychiatrie & neurosciences ont initié un travail expérimental pionnier intitulé “De la contention involontaire au sujet se contenant”. Les équipes soignantes du GHU, en lien avec des chercheurs et des designers, travaillent à la co-conception de dispositifs complémentaires à la contention involontaire et aux conditions de leur application. Cette démarche s’appuie sur des observations ethnographiques, des entretiens et des ateliers d’idéation, le tout réunissant l’ensemble des parties prenantes de l’hôpital.
Contexte du projet
Né d’une double interrogation soignante et éthique sur les enjeux relatifs aux usages de la contention, ce projet mobilise différentes compétences académiques, professionnelles et expérientielles pour imaginer et tester un dispositif de moindre recours et complémentaire à la contention involontaire. Pour renforcer l’autonomie du sujet pris en soin et faire de ce dispositif un outil de soin capacitaire, nous développons la notion de contenance volontaire tout au long de la démarche de recherche-action. Celle-ci est collaborative depuis ses débuts, impliquant usagers, soignants, directeurs hospitaliers, chercheurs et designers.
Contrairement à la contention mécanique, qui est une procédure d’exception justifiée par une situation clinique dans le cadre d’une démarche thérapeutique, encadrée par la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 et les recommandations de la Haute Autorité de Santé (2017), il n’existe à notre connaissance aucune forme de « contention volontaire »[1] décidée par le patient. La proposition de ce projet est donc de co-concevoir un dispositif volontaire, de moindre recours que l’actuelle contention involontaire, permettant au sujet de se contenir d’une autre manière, avec l’aide de soignants ou de proches. Un objectif fort de ce projet est que le dispositif de soin proposé soit capacitaire, c’est-à-dire qu’il puisse être mis à disposition de l’usager pour lui donner du choix dans les options de soin, afin de restaurer en partie son autonomie.
Séquences d’observations ethnographiques au sein des services du GHU Paris psychiatrie & neurosciences
Un projet co-construit avec les usagers et les soignants
Les objectifs de ce dispositif sont d’une part de prévenir les crises de type agitation ou montée d’angoisse, de promouvoir la désescalade et le désamorçage des tensions dès les premiers signes de la crise et dans certains cas, de parvenir à gérer la crise en évitant le recours à la contention involontaire. Ensemble, nous imaginons un dispositif expérimental permettant d’accueillir et de canaliser l’agitation ou l’angoisse. Sans se substituer aux dispositifs actuels, il leur est complémentaire et peut s’envisager dans différents cadres de soin, en hospitalisation comme en ambulatoire.
De l’élaboration du prototype à sa confrontation à la réalité, le dispositif a vocation à s’améliorer par le retour d’expériences de l’ensemble des parties prenantes : usagers de la psychiatrie, soignants et proche-aidants. En effet, la co-conception des outils est essentielle dans le processus technique et clinique, pour que celui-ci soit au plus près des besoins des usagers et des professionnels, ainsi que pour assurer l’appropriation du dispositif.
Le projet est réalisé grâce au soutien de la Fondation Aésio.
Fauteuil recouvrant au CMP Eugène Millon (15e)
Totem sensoriel au G25 de Lasalle (19e)
Les méthodes de contention en psychiatrie : une publication de la Chaire
La littérature relative aux contentions en psychiatrie révèle qu’elles sont majoritairement utilisées contre la volonté des patients. Pour proposer une façon de contenir le sujet, complémentaire à la contention involontaire et en amont des situations de crise, l’effet apaisant de la contenance (concept psychanalytique) et de l’intégration sensorielle (notion provenant des neurosciences) pourrait être convoqué. Ainsi, il est fait l’hypothèse qu’une méthode de contention contenante, mise à la disposition du sujet, pourrait être en mesure de restaurer en partie l’autonomie du sujet de soin en psychiatrie. Réalisé par Pr Cynthia Fleury et Aziliz Leboucher, cet état de l’art (144 p.), préparatoire à la recherche-action au GHU, est disponible ici.
Vous pouvez en trouver un résumé dans cet article publié par la revue Santé Mentale.
Pour en savoir plus
Vous pouvez trouver plus d’information dans les publications suivantes :
« De la contention involontaire au sujet se contenant : une démarche participative de recherche-action menée au GHU Paris psychiatrie et neurosciences », Etchecopar Etchart E., Heintz F., Leboucher A. Santé Mentale, septembre 2021, dossier « Isolement-contention : faire autrement. »
« De la contention involontaire au sujet “se contenant” », Fleury C., Leboucher A. Soins, octobre 2021
« Innovation et pratiques de soin à l’heure de la co-construction patients/soignants. Un cas d’étude autour de dispositifs de contenance volontaire », Leboucher A. Gestions Hospitalières, février 2022
Contact
Pour toute question relative au projet, vous pouvez contacter Aziliz Leboucher, cheffe de projet à la Chaire de Philosophie à l’Hôpital.
[1] Formulation non-définitive faisant l’objet d’une démarche de réflexion-expérimentation autour d’outils et de protocoles pour le sujet se contenant.