Laure Barillas –L’instant et la durée : Jankélévitch et les soins palliatifs
Faut-il s’intéresser au temps du soin ? Y a-t-il quelque chose à chercher dans la temporalité du patient, des proches et des soignants ? C’est à partir de l’exemple des soins palliatifs, et à l’aide de la pensée de Vladimir Jankélévitch, que Laure Barillas essaie de comprendre le temps du soin. Pour Jankélévitch, la mort est à la fois un mystère et un événement : un mystère qui a une dimension métempirique, qui se produit au delà de l’expérience de l’empirie, et en même temps un événement empirique, palpable, visible. La mort de chacun ne se vit jamais au présent mais toujours au futur. C’est pour les autres que ma mort est mystère et événement, pour moi, elle est toujours future. A partir de ces distinctions établies par Jankélévitch, on est conduit à un paradoxe : pour le soignant en soins palliatifs et pour le proche, la mort est vécue au présent, dans un présent qui n’est pas seulement événement et mystère comme le dit Jankélévitch, mais qui peut aussi être répétition. Un deuxième paradoxe lié au temps se présente : dans les soins palliatifs, il est possible de temporiser, d’ajourner, de remettre la mort à plus tard. On peut repousser le moment de la mort, mais jusqu’à quand ? Le soin palliatif ne pose aucun problème dans l’instant : la fonction du médecin est de prolonger la vie, ne serait-ce qu’un instant de plus ; le soin qui maintient l’être et garantit sa continuation est donc un geste médical nécessaire. Mais cette règle de l’instant perd son sens dans la durée. Mais cette valeur dans l’instant médical a-t-elle un sens pour la durée qu’est la vie d’un patient ? Le problème est ici aussi celui de l’in coïncidence de la durée théorique et de l’instant factuel, de leur hétérogénéité fondamentale et douloureuse