Existe-t-il des normes de la santé mentale ? Et si oui, peut-on considérer que la psychopathie elle-même constitue un désordre mental ? Pour répondre à ces questions, il est nécessaire de se doter d’un concept pertinent de « santé mentale », ou à tout le moins de « désordre mental ». Or, l’existence d’un tel concept fait débat. De nombreux philosophes ont ainsi défendu des approches plus ou moins nihilistes, sceptiques, ou relativistes à l’égard du concept de désordre mental. Dans la première partie de cette conférence, je passe en revue les différentes réticences qui ont ainsi été soulevées, tout en pointant les difficultés qu’elles impliquent, et j’essaie ensuite de dégager deux approches un peu plus plausibles du concept de désordre mental. Je propose ensuite de présenter une caractérisation de la psychopathie qui soit fidèle aux différentes données dont nous disposons actuellement en psychologie morale. Je soutiens que la psychopathie doit se comprendre avant tout comme une forme d’aveuglement émotionnel aux différentes valeurs susceptibles d’être pertinentes pour notre bien-être. A partir de là, j’essaie de défendre l’idée qu’il est raisonnable de comprendre la psychopathie comme un désordre affectant le rapport d’un sujet à son propre bien-être, contrairement aux caractérisations les plus courantes de la psychopathie, qui suggèrent que celle-ci serait essentiellement un trouble de type antisocial.
Samuel Lepine, Maître de conférences en philosophie morale et politique, Université Clermont Auvergne, PHIER.