Depuis 2020, la Chaire de philosophie à l’hôpital mène une réflexion autour de la souffrance et de l’épuisement professionnels des soignants. Pour accompagner les professionnels, elle a conçu un dispositif unique en son genre : la clinique philosophique du burn-out des soignants.

Lancée pour répondre à la détresse des soignants pendant la crise de la Covid-19, cette initiative s’est pérennisée. Elle anticipait ainsi le volet psychique de la consultation nationale portant sur « La santé des professionnels de santé » lancée en 2023.

Contexte

Dans les métiers soignants le burn-out est en constante augmentation. Ses conséquences sur la santé mentale et physique des personnes qu’il affecte sont bien connues, pouvant aller des troubles musculosquelettiques à la dépression, voire, dans les cas les plus tragiques, au suicide. Lorsqu’il affecte les soignants, le burn-out a aussi des répercussions sur la santé des patients qui se trouvent confrontés au manque d’empathie et à un plus grand risque d’erreur, voire à un cynisme désabusé de la part des personnes qui en souffrent.

Encore trop souvent considérée comme le fait d’une faiblesse personnelle, la souffrance au travail a longtemps été tue, bien que de nombreuses recherches aient montré le rôle non négligeable des organisations du travail dans sa survenue et sa production (Molinier, 2006 ; Le Guillant, 2010 etc.).

Valérie Gateau, Cynthia Fleury (juin 2020), Pour une clinique philosophique du burn-out des professionnels de santé, Chaire de philosophie à l’hôpital, 60p.

Pendant la crise, les soignants ont montré la force de leur engagement et de leur responsabilité. Ils n’ont pas hésité à dire combien les organisations du soin (manque de moyens, de personnel, gestion des « flux », statuts précaires) contribuaient à leur souffrance : un soin soumis au codage informatique, à la performance et à des protocoles rigides peut miner la vocation des soignants, leurs valeurs, leur engagement. Il déstructure le temps du soin (imposé par une logique gestionnaire extérieure aux besoins des patients et soignants), abîme le collectif (les temps de partages informels y sont du « temps perdu ») et peut conduire au burn-out des soignants, et au soin « dégradé » des patients (Compagnon et Ghadi, 2009). 

Aujourd’hui, les soignants continuent de montrer leur engagement au quotidien alors même que les risques de souffrance professionnels sont élevés et que la crise s’installe dans le temps long. C’est pourquoi il importe de continuer de faire place à leur parole et à leur vécu pour penser la souffrance professionnelle et les conditions d’un soin juste et bienveillant pour les patients comme pour les soignants.

C’est pour sortir d’une conception individualisante de l’épuisement au travail et pour faire place à des récits communs et/ou partagés du soin et de la souffrance qu’il peut induire que la chaire a mis en place le séminaire-atelier d’écriture « Une clinique philosophique du burn-out ».

Un dispositif d’éthique narrative : la « clinique philosophique du burn-out »

Conçu et animé par Valérie Gateau, philosophe et méthodologiste au Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil et chercheuse associée à la Chaire de philosophie à l’hôpital, le premier dispositif de la clinique philosophique du burn-out s’est déployé entre 2020 et 2023. Il proposait un séminaire-atelier alternant théorie, écriture et discussion, pour penser collectivement la souffrance au travail des soignants, réunissant 30 à 40 personnes chaque mois, en distanciel, durant 3 ans.

Avec un programme conçu sur un cycle de deux ans, le séminaire comprenait, en amont des séances, un travail d’écriture (non obligatoire) préparant l’échange au sein de deux groupes différents.
La séance de séminaire proposait d’abord un temps théorique, suivi d’un temps d’échange. Tandis que le temps théorique revenait sur des concepts ou auteurs en rapport avec le thème de la séance (psychodynamique du travail, philosophie, sociologie des organisations, etc.), le temps de lecture et de partage s’organisait autour des textes écrits par les participants, préalablement anonymisés. Ces textes individuels permettaient aux participants de partager leur expérience, de parvenir ensemble à un récit collectif du travail soignant, et de le mettre en vis-à-vis de la partie théorique.
Les séances et textes des participants étaient par ailleurs dessinés et mis en récit par l’artiste Jacopo Mandich, dans un processus de narration imagée qui complétait l’approche philosophique et les narrations des participants.

Quelques illustrations de l’année 2024-2025 par Jacopo Mandich :

Une fois par an, une séance laissait place à l’intervention du parrain ou de la marraine du séminaire annuel : Martin Winckler (2020-2021), Sarah Chiche (2021-2022), Philippe Lançon (2022-2023), et Marie Pezé (2023-2024) ont ainsi apporté leurs éclairages respectifs sur leur rapport à l’écriture (en lien avec l’atelier) ou avec la souffrance au travail (en lien avec le thème).

Le 15 juin 2022, l’intervention de Sarah Chiche s’est enrichie d’une mise en scène des textes des participants, à l’occasion de la parution du tout premier livrable :

2023-2024 : séminaire dans notre antenne de Charleroi (Belgique)

Grand Hôpital de Charleroi

En 2023-2024, le séminaire est animé par Jérôme Bouvy, philosophe hospitalier au Grand Hôpital de Charleroi (Belgique). Le séminaire devient « Une clinique philosophique de l’épuisement au travail », élargissant son public à toutes les personnes travaillant dans des institutions de soin sans nécessairement être des soignants (agents de ménage, techniciens, etc.).

Le séminaire prend aussi une nouvelle forme plus adaptée aux besoins des professionnels du GHdC (2h au lieu d’1h30, 6 séances au lieu de 9, présentiel et distanciel, sans invité).

Reprise en 2024

En 2024-2025, le séminaire est repris par Benjamin Lévy, psychologue et psychanalyste, et Déborah Gasnot, chargée de mission à la chaire. Le programme de la partie théorique du séminaire se concentre cette fois sur une typologie des activités (libérales, services publics) et des lieux de soins (psychiatrie, EHPAD, etc.), questionnant les souffrances spécifiques que chaque contexte génère.

La forme se renouvelle encore, avec la possibilité pour les participants d’intervenir aussi pendant le temps théorique en lisant et en réagissant à des extraits de textes préalablement choisis par les responsables du séminaire. L’atelier d’écriture et le temps d’échange autour des textes des participants restent, eux, inchangés.

Production de connaissances

Outre les textes et dessins produits par les participants et Jacopo Mandich, accessibles à travers nos livrables, ce modèle de séminaire-atelier se veut exportable pour quiconque voudrait le reproduire dans sa structure. On trouvera ainsi un ensemble de publications ou interventions diverses, dressant le bilan du séminaire et son fonctionnement.

Interventions

Publications