La 27ème région : contexte et inspirations
Stéphane Vincent revient sur l’usage du design dans la bureaucratie et l’administration publique. Il pense pour cela le design non pas comme finalité, mais comme un moyen de transformation du secteur public. Il présente ici la « 27ème région » comme une proposition pensée pour mettre en place un espace de recherche, de développement et de réflexivité dans le service public ; utopie concrète, cet espace doit permettre de tester des méthodes de terrain.
Dans un contexte global de déconnexion entre secteur public et citoyens, le projet «27ème région » s’inspire notamment des travaux de Warin, qui produit une analyse sociopolitique de la réception des politiques par les publics : les politiques publiques sont souvent insuffisamment utilisées par les citoyens qui pourraient en bénéficier ; reste à savoir comment permettre aux gens d’en tirer pleinement parti. Dans un contexte de complexification des politiques publiques, la méthode d’action paradigmatique calquée sur les entreprises de conseil et la marchandisation de la transformation publique, sont parties prenantes du problème : d’où la décision de faire de la « 27ème région » un projet en dehors de cette logique.
Méthodes, pratiques
Avec Thévenet, designer, Vincent décide de passer de ce qu’il caractérise comme un idéal d’excellence « à la française » à un idéal d’ingéniosité pratique, plus marqué par des valeurs de résilience et d’innovation. Posant l’intérêt général au centre de leur projet, il n’est pas question pour eux de s’adresser aux gens comme à des clients, mais bien comme à des citoyens. Reste à distinguer les attentes avouées de ces derniers — collectées, par exemple, au cours de sondages — de leurs pratiques véritables, observées au cours d’observations de terrain.
Ils passent ainsi d’un paradigme de la résolution à celui de la reformulation : avant d’essayer de répondre à des problèmes possiblement mal posés, ils commencent par les reformuler. Ils cherchent également à penser les problématiques en tant qu’elles ont des effets les unes sur les autres lorsqu’elles sont prises en charge. De plus, ils privilégient une démarche allant de l’action vers la compréhension — contre celle, plus commune, de la compréhension vers l’action — : le test est ainsi le lieu d’un dialogue privilégié avec l’écosystème abordé. L’équipe, composée d’une dizaine de personnes, se livre ainsi à trois activités principales, dont la plus importante est celle de la recherche-action sur des programmes au long cours dont les protocoles sont fréquemment évalués et validés au cours de collaborations avec des chercheurs académiques.
Étude de cas : la création d’une nouvelle médiathèque à Lezoux
Inspirés du pragmatisme de Dewey et de sa théorie de l’enquête, les acteurs de la « 27ème région » procèdent à des expérimentations sociales sur le terrain — tout en gardant à l’esprit les mots de Stiegler selon qui « tout objet technique est pharmacologique » : toute intervention a des effets sur l’environnement étudié, il s’agit d’en assumer la responsabilité. Commençant par mettre en question la compréhension du terme de « médiathèque », une équipe de quatre personnes a participé à trois phases successives d’action : la simulation d’une fausse médiathèque destinée à rendre le projet plus concret, une phase d’étude des pratiques culturelles des habitants, suivies d’une semaine d’information, sous la forme d’échanges avec le public concerné par la mise en place du projet. Vincent parle d’un projet réussi — ici, celui-ci —, pour deux ayant échoué : ces projets ont ainsi valeur de Proof Of Concept. Il clôt son intervention en évoquant des projets de politique publique conceptuellement proches du sien, avant de passer très rapidement sur les controverses que ceux-ci peuvent aujourd’hui susciter.