Année 2017/2018Introduction à la Philosophie à l’hôpital 3

La notion de care est apparue chez Carol Gilligan pour décrire les critères des choix moraux des femmes, censés être différents de ceux des hommes, dans la mesure où ils relèveraient d’un altruisme plus renforcé, les femmes préférant agir selon des motivations privilégiant la qualité des interactions sociales et non strictement selon une approche formelle des droits et/ou des intérêts.

Dès lors, la question devient aussi celle de la préservation des relations humaines. Le care se présente comme la “capacité de prendre soin d’autrui” (Gilligan, 1982), soit un très large spectre définitionnel allant de l’éthique jurisprudentielle (Éthique à Nicomaque, Aristote) à la notion de care chez Winnicott (1970), définissant la relation, l’attention et la confiance dont le traitement (cure) a besoin pour être le plus opérationnel possible. Dans les années 1990, Joan Tronto fait un pas de plus pour ouvrir la définition du care et la présenter ainsi :

“Activité caractéristique de l’espèce humaine, qui recouvre tout ce que nous faisons dans le but de maintenir, de perpétuer et de réparer notre monde, afin que nous puissions y vivre aussi bien que possible.”

Vivre bien suppose donc de comprendre qu’il n’y a pas les individus indépendants d’un côté et les individus dépendants de l’autre, ou encore les autonomes d’une part et les vulnérables d’autre part, mais que vulnérabilité et autonomie sont entrelacées pour décrire nos vécus d’interdépendance. L’éthique du care n’est plus strictement féminine mais renvoie à la spécificité humaine, à sa capacité primordiale de créer un monde “habitable”, qui, sans cette activité créative et relationnelle, ne le serait nullement. L’analyse de Tronto est également importante pour comprendre comment la société organise l’invisibilité d’une commune dépendance au soin.

La charge du care n’est pas également répartie entre les individus, et les “pourvoyeurs” de care sont souvent déconsidérés. Le care n’est donc pas une prédisposition naturelle, celle des femmes, mais une activité absolument nécessaire pour le bon fonctionnement de la société, par ailleurs totalement dévalorisée pour permettre aux plus dominants socialement de masquer leur interdépendance structurelle.

Bibliographie et vidéos

Carol Gilligan, Une voix différente, Flammarion, 2008.

Joan Tronto, Un monde vulnérable, pour une éthique du care, La Découverte, 2009.

Fiona Robinson, Globalizing care, Ethics, Feminist Theory and International Relations, Westview Press, 1999.

Fabienne Brugère, séminaire Soin et compassion, L’éthique du care.

Sandra Laugier, séminaire Soin et compassion, Le care comme concept transformateur de l’éthique.

Guillaume Leblanc, Vies ordinaires, vies précaires, Seuil, 2007.

Autour de Winnicott, Introduction à la philosophie à l’hôpital, octobre 2016.

Sandra Laugier, L’éthique du care en trois subversions, sur Cairn.info

Dialectique entre autonomie et vulnérabilité

Paul Ricœur, “Autonomie et vulnérabilité“,” in Le Juste 2″, Éditions Esprit, 2001.

Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, Point Seuil, 2015.

Kant, Critique de la raison pratique

Kant, Qu’est-ce que les Lumières

Agata Zielinski, L’éthique du care, Une nouvelle façon de prendre soin.

Yves Citton, Pour une écologie de l’attention, Seuil, 2014.

Delphine Moreau, “De qui se soucie-t-on. Le care comme perspective politique“, à propos du livre de Joan Tronto, Un monde vulnérable. Pour une politique du care, in Penser à gauche