François Taddei – L’école de la compassion
Comment émanciper des individus, les amener à être libres, sans en passer par une éducation autoritaire, qui irait à l’encontre même de l’idée de liberté?
L’école actuelle est presque un miroir en négatif[1] de ce que pourrait être l’école de la compassion. Méthodes coercitives, professeurs manquant d’empathie, mais l’institution elle-même ne propose pas de cadre pour appliquer ou enseigner l’empathie. C’est un défi à relever. François Taddei propose alors aux personnes présentes un échange sur ce que pourrait être une école où on apprend à grandir, et où l’on n’impose pas la manière dont on doit grandir, qui n’est pas une école du formatage, mais une école de ce que les Japonais appellent l’ikigai.
L’ikigai, c’est, en quelque sorte le “sens de la vie” pour les japonais (la “raison d’être”). C’est ce qui est à l’intersection de ce que l’on aime faire, de ce que l’on sait faire ou que l’on peut apprendre à faire, de ce dont le monde a besoin, et ce pour quoi on peut trouver les ressources pour le faire. Donc si vous avez le plaisir de trouver un métier qui vous aide à réaliser votre ikigai, comme le disait Confucius par ailleurs, vous n’aurez jamais l’impression de travailler, parce que vous aurez trouvé un travail dans lequel vous vous épanouirez vraiment.
L’ikigai peut être recherché pour chacun d’entre nous, pour chaque jeune, mais on peut également le regarder du point de vue de l’institution.
Que devrait être l’ikigai d’une institution? L’ikigai de l’hôpital, de l’école? Toutes ces institutions peuvent s’interroger, car dans ces lieux on “prend soin”, de celui qui souffre, de celui qui grandit, et celui qui grandit peut lui-même souffrir… Mais on prend aussi soin de ceux qui prennent soin, et cela, nous avons besoin d’arriver à le faire. Et aujourd’hui ces institutions ne prennent pas forcément soin de ceux qui y sont, et elles n’apprennent pas suffisamment d’elles-mêmes. Donc ces institutions elles-mêmes sont en souffrance. Mais qui prend soin de l’institution souffrante, si ce n’est ceux qui la composent, et ceux qui la dirigent? Si cette institution n’apprend pas, et n’est pas capable de lire la souffrance de chacun, si elle n’est pas capable de prendre en compte la vulnérabilité de tous, elle ne peut pas réellement les aider à grandir.
C’est peut-être cela le défi, quelle que soit l’institution: comment ces institutions peuvent apprendre à s’ouvrir à l’autre, et à dire les difficultés?
Chacun d’entre nous a à apprendre à dire ses émotions, apprendre à recevoir celles des autres, à apprendre à agir de manière responsable, qui aide l’autre à dépasser les difficultés que chacun d’entre nous peut rencontrer à un moment où à un autre.
“Je ne sais pas ce qu’est une école de la compassion“, nous confie François Taddei en introduction, pourquoi ne pas relever le défi, tous ensemble, de chercher ce qu’elle pourrait être, plutôt que de faire un cours cadré, à l’antipode de ce qu’elle pourrait être? Dans une école de la compassion, typiquement, on a besoin de donner la parole aux jeunes. C’est quelque chose que l’on fait trop peu. Alors comment peut-on le faire, donner la parole à ceux qui sont peut-être en souffrance, certains jeunes, mais aussi des professeurs, des patients et des soignants? Si l’on ne sait pas prendre soin de ces adultes qui ont la responsabilité d’aider les autres, alors eux-mêmes ne pourront pas être suffisamment à même de le faire sur les autres.
Et donc il faut savoir donner la parole à tous ces acteurs et savoir entendre ces souffrances, et savoir organiser pas simplement un bureau des plaintes, mais des lieux où l’on co-construit les solutions à partir de cela. Car la compassion ce n’est pas seulement entendre la souffrance de l’autre, c’est être capable de chercher des solutions qui vont l’aider à avancer, ce qui suppose évidemment d’avoir compris les causes profondes de sa souffrance, ce qui n’a jamais rien d’évident, et ce qui suppose aussi de savoir mettre en œuvre des solutions. Et c’est ces solutions on ne peut pas les imposer, on ne peut que les proposer et les partager, et idéalement les co-construire avec les personnes en situation de souffrance, et réinventer le système. Deux concepts intéressants pour cela, le mentorat, et la création d’un cadre de liberté.
Références:
[1] Vidéo du jeune qui raconte sa scolarité