A propos de l’article « les métamorphoses numériques de l’hôpital. Le soignant et l’information sans papiers », Ethique et santé (2019) 16, 44-50.
« Il ne faut pas rejeter la technique, il faut la critiquer et la transformer ».
Cette phrase de Bernard Stiegler servira de fil rouge pour déplier ce que nous nommons les métamorphoses numériques de l’hôpital. La numérisation des données de santé reste encore un sujet clivant chez les soignants. Les technophobes et les techno-sceptiques font entendre leur voix pour dénoncer une déshumanisation des soins induite par l’informatisation massive. Un de leurs arguments repose sur une conception de la technique numérique comme une technique de contrôle, plaçant l’objet technique contre l’individu psychosocial. Quant aux technophiles ou techno-enthousiastes, ils s’adaptent à ce déterminisme technique, simple continuum, selon eux dans le soin, de l’évolution de notre société. Mais cette technique est-elle vraiment le reflet d’un progrès, d’une nouvelle démocratie sanitaire ? Comme introduction nous poserons les grandes questions soulevées par l’accélération du virage numérique voulu par le ministère de la Santé. Nous nous appuierons sur un philosophe de la technique, Gilbert Simondon, qui a inspiré la pensée de Bernard Stiegler. Nous en ferons une rapide présentation, car son œuvre nous aide à comprendre la technique, étape indispensable pour pouvoir en faire une critique constructive.
Présenter les métamorphoses numériques, si elles nous permettent de saisir les difficultés que rencontrent les soignants dans leur travail quotidien, c’est mettre à jour les caractéristiques de l’information sans-papiers : sa naissance, sa circulation, son territoire de partage, son identité, en définitive le chemin qui mène vers la connaissance et le savoir, tout en respectant la confidentialité. Mais comment transformer cette évolution pour que le numérique, comme nouvel outil du soignant, soit vraiment au service du soigné ? Nous en débattrons.
Ronan Le Reun est médecin référent numérique en santé à la Fondation John Bost depuis 2019. Il a également été praticien hospitalier, référent médical de l’informatisation du processus de soin au CHRU de Brest et Expert “Hôpital Numérique” à l’Agence Nationale d’Aide à la Performance (ANAP). Il est diplômé de philosophie, d’éthique médicale et hospitalière appliquée, et poursuit un master de science politique