La situation, le comportement et les désirs d’un personnage de roman, Emma Bovary, ont, chose rare, donné lieu à un concept ou du moins à des thématisations, sous le nom de “bovarysme”. Les propositions autour de bovarysme sont diverses : il existe des analyses pseudo-sociologiques ou des tentatives d’en faire une pathologie à part entière en psychiatrie “fin de siècle”, une proposition métaphysique d’influence nietzschéenne chez Jules de Gaultier, des esquisses de réflexion chez le premier Lacan et des interprétations phénoménologiques chez Sartre. Dans tous les cas, il semblerait que le bovarysme, soit le fait de “se concevoir autre qu’on n’est” (Gaultier) puisse mener au suicide, si l’on présume que l’histoire d’Emma Bovary est un indicateur de ce qu’est le bovarysme. Tracer l’histoire des interprétations du geste suicidaire d’Emma nous donne différentes interprétations de la façon dont la rencontre violente entre la méconnaissance de soi et la “réalité” pourrait, ou non, rendre compte de certains suicides.
Invitée : Charlotte Geindre est doctorante en philosophie et psychologie, et travaille sur l’image de soi sous la direction de Claude Romano, co-direction Paul-Laurent Assoun. Elle se propose de donner de l’image (mentale et visuelle) de soi une conceptualisation philosophique rigoureuse qui permettrait de rendre compte de ses effets dans le rapport à soi et elle examine l’origine du désir de se connaître sous cet aspect possiblement réifié. Ses analyses requièrent un corpus vaste et pluridisciplinaire, au sein duquel Sartre et le premier Lacan ont une place privilégiée. Ancienne élève de l’École Normale Supérieure, agrégée de philosophie, ATER à Sorbonne Université, elle est également psychologue clinicienne.