Nathalie COURTEL est présidente de l’International School of Paris (ISP), et experte consultante change management chez PricewaterhouseCoopers. Ses recherches et son travail à l’ISP portent sur l’innovation dans l’éducation, la préparation pour les défis et les responsabilités socio-environnementales, ainsi que sur le rôle de la compassion et de l’esthétique dans le développement durable des organisations.https://www.youtube.com/watch?v=k_I3uO2m9IkPeter Frost, imminent chercheur canadien de université de British Columbia, se retrouva à la suite d’une lourde opération en convalescence dans une chambre d’hôpital qu’il partageait avec trois autre patients. L’un d’eux qui venait aussi de subir une lourde chirurgie, tenta de se rendre à la salle de bain, mais n’y arriva pas à temps et eut un accident. L’infirmière s’occupe de lui avec des gestes efficaces et tendres. Plus tard, cet homme raconte à Peter Frost comment il avait cru sa vie finie quand son corps l’avait lâché et l’humiliation qu’il avait vécu devant trois inconnus mais que les gestes de l’infirmière lui ont littéralement sauvés la vie. A ce moment là, Peter Frost, spécialiste de la toxicité au travail (notamment ‘toxic handlers’) se tourne vers la question de de compassion au travail. Quelle idée peut-être surprenante de mettre ces deux mots dans une même phrase. La question est vitale: quelle est la place et l’importance de la compassion dans nos organisations ?
Surprenant souvent de parler de compassion et travail. Cela dit, compassion et travail sont de pair. La compassion est au cœur de l’humanité, même si parfois elle ne nous apparaît pas évidente. La souffrance est partie inhérente de la vie et la réponse à la douleur qu’est la compassion tout autant. La compassion est présente dans nos organisations modernes, même si parfois trop discrètement et surtout trop peu. Donc compassion et travail appartiennent au même ensemble.
Qu’est-ce que la compassion ? De quoi parle-t-on quand on parle de compassion ?
Le sens même du mot compassion, veut dire souffrir, sentir avec autrui. Etre avec l’autre. La compassion au travail est un sujet de recherche à part entière qui se développe dans divers centre de recherche au monde, par exemple à l’université Stanford en Californie avec le CARE Centre for Care Altruism Research and Education, qui est né de la recherche de la compassion dans le secteur de la santé et sied au sein de son école de médecine, et qui oeuvre dans de nombreux domaine au delà.
Le coût du stress au travail dépasse les centaines de millions d’euros par an aux organisations européennes. A tout moment une personne sur dix dans une organization souffre un deuil. La souffrance fait partie de la vie et est intrinsèque à notre vie au travail. Elle peut venir de souffrances dans sa vie personnelle – tel la maladie d’un proche ou de soi-même, elle peut être infligée par le travail – ses contraintes, demandes exténuantes, pression de rentabilité et performance. Elle peut aussi provenir de tragédie naturelles – un tsunami, tempête, inondation, ou un acte terroriste.
Face à ces souffrances, qui sont le propre de la vie, la compassion est une nécessité et non un luxe comme nous le rappelle le Dalaï Lama.
La compassion est un attribut de l’animal et inhérent à l’être humain. Où vous trouverez des êtres humains, vous trouverez compassion. Et s’il y a un endroit rempli d’hommes et femmes, ce sont nos organisations de travail. Une bonne nouvelle pour le monde du travail est que l’étude de la compassion en organisation est un champs de recherche en essor à l’heure actuelle. Tout d’abord assez marginalisée elle fleurit et se développe au sein de nombreux centres de recherches et universités tel le Stanford Care and Compassion Altruism Research and Education.
Ce que l’on sait de ce travail de recherche alliant philosophie, science des organizations et neurosciences, est que la compassion est une capacité qui se travaille, se développe et améliore de nombreux aspects de la vie au travail.
En de termes de la recherche de compassion organisationnelle, trois choses définissent la compassion. Tout d’abord, la reconnaissance de la douleur d’autrui. Ensuite, un désir de la soulager et enfin, un acte, un geste pour tente de le faire. Ces gestes sont au niveau individuel ou organisationnel.
Les effets positifs de la compassion en organisation sont connus. Recevoir et être témoin de compassion à son travail engendre des émotions positives et l’engagement affectif à nos organisations. Cela est d’un grand intérêt pour les gestionnaires d’organisations qui cherchent à conserver leurs employés. La compassion sert aussi à donner du sens à notre existence et notre raison d’être, ainsi que celle de venir tous les jours au travail. Aussi, la compassion a des bénéfices démontrés scientifiquement sur la santé. Enfin, de ne pas faire preuve de compassion face à la souffrance d’un collègue, a des effets dévastateurs. En effet, une personne souffrante ignorée se sent lésée et abandonnée. Non seulement elle souffre mais elle cause de la souffrance et des carences organisationnelles.
La compassion organisationnelle s’organise autour de: valeurs partagées, croyances partagées, normes de compassion, des pratiques (notamment de recrutement et autres pratiques RH), structures de soutien, la qualité des relations et des comportements des leaders. Travailler sur tous ces fronts dans nos organisations permet de faire place à des espaces dans lesquels l’employé peut exprimer sa souffrance, les collègues peuvent la reconnaître et les moyens sont disponibles pour tenter de la soulager.
Cela dit. La souffrance fait partie de la vie. Il n’y a qu’un chemin pour la traverser: en la traversant. Le stress a aussi des effet bénéfiques. De chercher à éviter la souffrance de l’autre n’est pas toujours un ‘cadeau’. Il me semble que le plus beau cadeau à l’autre est de s’assoir en silence auprès de sa souffrance (ne pas l’ignorer) et de lui donner la place, la laisser s’exprimer et de lui donner les moyens à être compassion envers soi-même.
La compassion envers les autres commence par celle que nous pouvons avoir envers nous-même