L’un des enjeux des éthiques du care est de montrer que le care est une activité qui se déploie entre les personnes et qui demande des ressources spécifiques. Le care possède aussi une dimension spatiale. Il va sans dire que l’architecture a un rôle essentiel à jouer. De plus en plus, la conception de nouveaux espaces ou leur réhabilitation obligent à prendre en compte différents types de vulnérabilités, humaines comme naturelles (handicap physique, sensibilité à la luminosité, espaces éco-conçus etc.). Les relations entre architecture et care sont ainsi à l’origine de projets novateurs et de nouveaux parcours de formation et de spécialisation dans divers cursus académiques. C’est pourquoi la Chaire de Philosophie à l’Hôpital consacre une partie de ses recherches à ces questions depuis 2020, année qui marque le début d’un séminaire de recherche au long cours : le séminaire Architecture et care.

Penser les liens entre architecture et care : un séminaire dédié

Un séminaire de recherche est animé à la Chaire depuis 2020 par Eric de Thoisy, architecte et docteur en architecture. Il questionne à la fois les raisons d’être et les pratiques des espaces bâtis dans le rapport au soin, et propose un renouveau méthodologique. En analysant l’histoire, les grands concepts de l’architecture et du care (hospitalité, soin, vulnérabilité), ce séminaire s’interroge sur pourquoi penser les lieux de soin, et comment le faire. Il présente et analyse plusieurs des projets architecturaux et fait intervenir depuis quelques années des architectes ayant pensé ces questions dans la conception au travers de leurs réalisations (hôpitaux, centre de jours, maisons de retraite, etc.).

Depuis 2022, ce séminaire se tient lui-même sur un lieu de soin exceptionnel, le centre de jour de l’Adamant, bateau amarré à la Seine et rattaché aux Hôpitaux Paris Est Val-de-Marne. Ce lieu a fait l’objet d’une séance spécifique avec ses concepteurs (Gérard Ronzatti, architecte, et Eric Piel, psychiatre).

© Hôpitaux Paris Est Val-de-Marne

Pour (re)découvrir ce séminaire :

Partenariat avec l’ENSA Paris – Belleville

Depuis septembre 2023, une collaboration est en place entre ce séminaire et l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville (ENSA Paris-Belleville), notamment via la participation de la Chaire à un cours de projets.
Cette collaboration s’articule autour de la participation des étudiants de l’école au séminaire Architecture et care et de modalités d’examen partagées.

Le 19 janvier 2024 a donc eu lieu l’examen de projets étudiants portant sur la conception d’un lieu d’accueil de jour pour les enfants autistes, âgés de 3 à 10 ans. Parmi les membres du jury se trouvaient Eric de Thoisy, responsable du séminaire Architecture et care, et Cynthia Fleury, titulaire de la Chaire de Philosophie à l’Hôpital. Ces projets ont ensuite été présentés au public le 16 mars 2024 sur l’Adamant lors d’un événement spécial en présence de Cynthia Fleury, Éric de Thoisy, Elisabeth Essaïan et Laetitia Overney (enseignantes à l’ENSA Paris-Belleville, responsables du studio « Architecture et hospitalité » et de la plateforme « Architecture et précarités »), mais aussi Gérard Ronzatti (architecte de l’Adamant) et Arnaud Vallet (cadre de santé et coordinateur de l’Adamant).


Ce partenariat entre la Chaire et l’école d’architecture de Paris-Belleville a été reconduit à la rentrée 2024 et entérine une collaboration qui va s’étendre sur plusieurs années et prendre différentes formes, lesquelles seront autant de manières d’expérimenter les relations entre architecture et soin.
Un socle d’enseignements commun a ainsi été élaboré avec le studio Architecture et hospitalité et l’ENSA-Paris-Belleville (séminaire architecture et care, année 5 – 4ères séances) et propose un nouveau terrain de réflexion pour les projets étudiants : l’hôpital Esquirol. 

A la suite de l’exposition des travaux des étudiants de l’ENSAPB, le studio Architecture et hospitalité a en effet été sollicité par une équipe des hôpitaux St Maurice à réfléchir sur des scenarii de restructuration de différentes unités de l’hôpital Esquirol (ancien hospice de Charenton), afin d’aider l’équipe à enrichir la programmation en cours d’étude et de nourrir, à terme, le cahier des charges.
Les étudiants travailleront cette année ainsi autour de 5 thèmes, déclinés tout au long du semestre, de l’échelle territoriale à celle du design : la limite et son franchissement ; le dedans/le dehors : la vue ; la lumière, la nature… ; se poser, se reposer ; circuler, déambuler ; temporalités. 

Lensemble des travaux sera ensuite exposé à l’hôpital Esquirol.

 

Exposition « Soutenir. Ville, architecture et soin »

Les recherches sur architecture et care ont donné lieu à une exposition au Pavillon de l’Arsenal à Paris, l’exposition « Soutenir. Ville, architecture et soin », qui s’est déroulée du 6 avril au 25 septembre 2022. Inspirée de l’ouvrage Soutenir, sous la direction de Cynthia Fleury et de l’agence SCAU, l’exposition s’ouvre sur l’Hôtel-Dieu de Paris et suit une série de lieux et de territoires abordés sous le prisme du care, de la santé et de la sollicitude, à la lumière de disciplines médicales, urbaines, philosophiques et artistiques.

Cette exposition questionne la place que la cité accorde à l’acte du soin, et à tous ses acteurs, le soigné, le soignant, et les autres. Elle rencontre l’histoire du soin, et l’histoire des lieux du soin qui l’accompagne, et montre que cette histoire est avant tout une histoire de soutien ; l’histoire des lieux-tenant, des lieux et des architectures qui nous tiennent et nous soutiennent, plutôt qu’ils nous détiennent ou nous contiennent – même si l’histoire de ces lieux-là, ceux contenant, est à raconter en même temps puisque c’est souvent la même.

Cette histoire a été présentée dans sept espaces (eux aussi tenus et tenant), correspondant à sept dimensions complémentaires des relations entre soin, ville et architecture. Plans, maquettes, photographies et installations diverses ont composés le parcours du visiteur qui est invité à découvrir ces sept thématiques, qui sont autant de dimensions de l’histoire des relations entre soin, ville et architecture :

  • les distances, entre la santé et la maladie, et entre la ville et ses lieux de soin ;
  • les éléments, ces territoires qui sont soignants (ou non soignants) avant d’être de l’architecture ;
  • les formes, celles que prend l’hôpital, et plus généralement l’institution du soin ;
  • les frontières, traçant les limites des gestes et des lieux du soin, du plus intime au plus public ;
  • les nécropoles, et autres lieux du soin que nous portons aux morts ;
  • les hétérotopies, architectures alternatives où s’inventent d’autres formes de soin ;
  • les inhabitables enfin, ces territoires malades dans lesquels l’architecte doit « prendre en réparation le monde, par fragments, comme il lui vient », pour paraphraser le poète Francis Ponge. Et à ces sept espaces, un autre est attenant : les portraits vidéo de neuf lieux franciliens, qui sont des productions archétypales du soin (et du non-soin) comme principe d’aménagement du territoire, y sont projetés.

Conférence du mardi 5 avril 2022 au Pavillon de l’Arsenal : Quelle place la ville doit-elle accorder au soin ?

 SOUTENIR – Ville, architecture et soin

Conférence de Cynthia Fleury et Eric de Thoisy au Pavillon Sicli. © Fondation Pavillon Sicli

Une seconde édition de l’exposition s’est tenue du 19 avril au 2 juin 2024 à la Fondation Pavillon Sicli.

Pour en savoir plus

Coline Periano (janvier-février 2024), « De l’architecture hospitalière à l’hospitalité », Soins, n°882, p. 60-63.

Hugo Martin, (novembre 2023), « L’architecture comme expérience, habiter autrement avec la philosophie de John Dewey », Soins, n° 880, p. 60-63.

Coline Periano (mai-juin 2023), « Hospitalisation et architecture : approcher l’espace hospitalier à travers la sensibilité des patients », Revue hospitalière de France, n°612, p. 36-41.

Éric de Thoisy (mars 2023), « Quand le moindre lieu est de soin : architecture et vulnérabilité », Soins, n°873, p. 60-63

Marie Tesson, « Prendre soin de l’avenir, Quatre pistes pour une architecture du care », Les Cahiers d’Europan 16, Villes vivantes, p. 73-78.

Marie Tesson et Bénédicte Penn (juin 2022), « Influence de la référence culturelle sur l’architecture et le soin », Soins, n°866, p. 58-62.